De la justification des inégalités
En 1907, la proposition de mise en place d'un impôt sur le revenu est intensément débattue en France.
C'est Joseph Caillaux, alors ministre des Finances de Clemenceau, qui propose pour la première fois en France, en 1907, la mise en place d'un impôt sur le revenu visant à imposer les nouvelles formes de revenus (bénéfices, salaires, dividendes) qui représentent alors une part croissante de la richesse nationale. Conforme à l'idéal républicain de la justice fiscale, sa proposition est pourtant intensément débattue.
La virulence des oppositions permet de mesurer à quel point les conservatismes de la IIIème République sont encore vigoureux en France en ce début de siècle.
En octobre 1907, Le Petit Journal justifie ainsi les inégalités sociales :
"La vérité est qu'il existe des inégalités naturelles qui produisent, en effet, des inégalités sociales. Tous les hommes n'ont pas la même santé, le même tempérament ; les uns sont vigoureux, les autres sont chétifs. Les uns ont l'intelligence développée au détriment de leurs forces physiques ; les autres sont des athlètes qui ne connaissent que l'argument frappant. Les uns sont sobres tout naturellement ; aux autres, une nourriture abondante et substantielle est nécessaire. Les uns sont beaux ; les autres laids. Fâcheuse inégalité celle-là ! Tout est inégalités et contrastes dans la nature. La terre elle-même n'est-elle pas faite de montagnes et de plaines ? Qui songera jamais, à réaliser l'égalité terrestre ? (...) Quoi qu'il en soit, pour faire cesser ces inégalités sociales, le législateur de demain va-t-il s'aviser d'arrêter l'humanité en marche, de remettre à l'alignement, pour un nouveau départ, les riches et les pauvres, de partager également entre eux les résultats acquis par les laborieux ? Ce serait bien là la véritable injustice sociale !"
Il faudra attendre 1914 pour que l'impôt sur le revenu soit adopté.