"Nosferatu", le mal-aimé
À la sortie du film Nosferatu, en 1922, la presse est passée à côté du chef-d'oeuvre de Murnau.
Les critiques n'ont pas toujours le nez creux... En 1922 sortait au cinéma l'un des films d'horreur les plus importants de l'Histoire : Nosferatu le vampire, réalisé par Friedrich Wilhelm Murnau et avec Max Schreck dans le rôle du terrifiant comte Orlok. Librement inspiré du Dracula de Bram Stoker, Nosferatu aujourd'hui reconnu universellement comme un chef-d’œuvre du muet et un monument du cinéma expressionniste allemand.
Pourtant, la presse de l'époque n'a pas pris la mesure de l'importance du film. Le 3 novembre, Le Petit Journal, qui le compare (défavorablement) au Cabinet du docteur Caligari sorti deux ans plus tôt, écrit ainsi :
"Nosferatu ne possède plus rien de ce qui faisait l'attrait du Cabinet du Docteur Caligari et, n'étant plus arrêtés par la bizarrerie de la présentation, nous ne pouvons pas un seul instant prendre au sérieux une histoire qui s'efforce à être horrible et qui n'est que du mauvais Grand Guignol, du Grand Guignol pour nourrissons ! Le scénario de Nosferatu repose sur une histoire de vampires, mais les histoires de vampires doivent baigner clans une atmosphère poétique et romantique qui fait ici complètement défaut et que remplace bien mal une recherche, bien vite insupportable, du détail réaliste."
Le Matin est plus élogieux, mais ne consacre au film que quelques lignes, le 10 novembre :
"Le personnage est justifié par une légende dont les scènes sont habilement amenées et remarquablement jouées. Il convient de reconnaître à l'interprète de Nosferatu un talent de composition d'une rare puissance. Tout comme il faut admirer les sites dont le pittoresque funèbre évoque à l'imagination le pays des fantômes."
Quant à La Presse, ni pour ni contre, elle se contente d'insister sur le caractère terrifiant du film, passant outre sa dimension poétique :
"Les spectateurs qui sortent de là après ingestion de pareilles horreurs ont les yeux hagards, et, tout en se protégeant la gorge de leur main, se retournent parfois pour voir si le Vampire n'est pas sur leurs traces."
Il faudra attendre en France 1929 et la ressortie du film pour que les surréalistes s'extasient sur la puissance onirique du film de Murnau. L'écrivain et historien du cinéma Georges Sadoul écrira ainsi : « Pendant quelques semaines, nous nous sommes répété, comme une expression pure de la beauté convulsive, ce sous-titre français : Passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre. »
En tout, l'histoire de Dracula a inspiré plus de 200 films.