Vite, ralentissons !
Après l’entre-deux-guerres, le culte de la vitesse est remis en cause. Intellectuels et artistes se livrent à un éloge de la lenteur qui tient en quelques mots : ralentir pour mieux vivre.
"Au moment où la route atteignait le sommet de la butte et allait redescendre l’autre versant, l’homme sauta du taxi sans attendre le coup de frein du chauffeur."
Les premiers mots de L’Homme pressé donnent le tempo. Le roman de Paul Morand paru en 1941 nous entraîne dans le tourbillon d'un homme qui court après le temps.
Le Petit Parisien en dresse ce résumé :
"Il était une fois un homme qui trouvait que le train du monde allait trop lentement. Continuellement possédé d'une invincible impatience, il sautait du rapide dans l'auto de course, de là en avion, toujours de plus en plus vite, enrageant de parfois devoir attendre de ne pouvoir délivrer ses contemporains d’une lenteur pour lui intolérable.
Un jour, il aima une jeune fille, puis l'épousa. Cet événement qui, à tant d'autres, ouvre les portes du bonheur, fut pour lui le commencement d'un drame (...) et le drame atteignît son point de tension extrême à l'instant qui est normalement le plus heureux des unions heureuses : comme son épouse espérait un bébé, l'homme pressé se ravageait de désespoir à l'idée de devoir accepter le délai fixé par la nature, et jusqu'ici irréductible…"
La suite de l’histoire de L’Homme pressé est pour le moins tragique : détesté par la femme qu’il a épousée, il meurt d’un infarctus, le corps et l’esprit rongés par le mal qu’il s’est lui-même infligé... C'est dire si Paul Morand se livre à une condamnation sans appel de l'idole de l'entre-deux-guerres : la vitesse.
Dans cette nouvelle civilisation de l'automobile, il s'agit de ne pas perdre un instant. "Time is money, disent les Anglais !", relève Paris-Soir en 1924, se félicitant de la construction d'escalators dans le métro de Londres...
La société du "plus haut, plus vite, plus fort" serait-elle appelée à s’épuiser de sa propre frénésie ? En ce début des années 40, artistes et intellectuels remettent en cause le culte de la vitesse.
Ainsi, Le Petit Parisien s'interroge :
"Sommes-nous à l'aube d'une ère de lenteur ? Allons-nous assister à une stabilisation, à une régression, ou simplement à un discrédit de la vitesse mécanique ? (...) L'économie européenne de ...
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