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Journal des débats politiques et littéraires, 6 février 1834

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Journal des débats politiques et littéraires
6 février 1834


Extrait du journal

Il n'est possible à personne de changer le caractère d'une dis cussion et de lui donner une importance qu'elle n'a pas. Nous avons hien entendu répéter aujourd'hui vingt fois àla Chambre que la loi sur les crieurs publics était un commencement de censure. La censure! si cela était, je le demande à ceux même qui ont fait et qui feront encore cet abus de mot, raisonneraient-ils si paisible ment? In Chambre serait-elle si calme, le publie si indifférent? La censuré rétapjie! la Charte violée! la plus précieuse de nos li bertés, là liberté de la presse étouffée? qui le supporterait? Quel «rage de passions gronderait autour de la Chambre! A-t-on publié quels terribles et solennels débats fit naître, sous la Restauration même, chacune des lois de censure proposées par le gouverne ment? Noiis sommes donc devenus bien froids aujourd'hui pour cette liberté défendue avec tant de chaleur par les Foy, les Casimir Péricr, les Benjamin Constant, conquise à'coups de fusil dans les journées de juillet, consacrée par la Charte? Non. Mais c'est que tout le monde, dans la Chambre comme hors ,de la Chambre, est, an fond, très convaincu qu'il n'y a rien là qui ressemble à la censure; que la liberté de la presse n'est, en aucune sorte, com promise par la loi sur les crieurs publics, et qu'il s'agit tout sim plement d'une mesure de police nécessaire à la tranquillité pu blique ! Yoiiâ pourquoi tous les efforts qu'on a faits et qu'on pourra faire pour donner à cette discussion un earacfère de solennité abouti ront, tout juste, au ridicule. La Chambre ne s'échauffera pas ; le public|ne .s'échauffera pas; les orateurs eux-mêmes, quoi qu'ils fassent, ne s'échaufferont pas. Notls n'en voudrions pour preuve que la séance d'aujourd'hui. La Chambre en a eu peu d'aussi calmés. M. de Sade,' il est vrai, tout en combattant la loi, avait déjà ré duit à leur juste valeur les craintes qu'on affecte d'avoir pour la liberté de la presse. Après le discours de M. de Sade, ïl n'était guères possible à, la Chambre de se laisser émouvoir par la logique de M." Garnier-Pagès. ou les phrases de M. le général Bertrand. Que restait-il donc? Une simple question d'ordre public: c'est sous ce point de vue seulement que la loi acquiert une importance réelle. " La liberté de la presse, la liberté de publier son opinion, est-elle la liberté d'aller crier dans les rues la sédition, la calomnie, la dif famation? En Amérique, aux Etats-Unis, admettrait-on que la li berté de la presse fut la liberté de proclamer--en quelque sorte, la monarchie sous les yeux du Président et du Congrès? Eh France, à Paris, àla face des Chambres, croira-t-on que la liberté de la presse «oit la liberté décrier des injures contre le Roi et contre la Charte, de proclamer à haute voix la république? Qui ne comprend la diffé l'cnce qu'il y a entre l'impression et le cri public? Qu'un journal at taque le principe du gouvernement, qu'il propose avec audace de substituer la république à la monarchie , ou la dynastie exilée à la dynastie régnante , c'est un mal sans doute. Mais publiquement, mais dans les rues, mais en présence du peuple amassé insulter le Roi, se faire le héraut d'armes de la république ou de la dynastie déchue, n'est-ce pas, qu'on nous passe le mot, donner un soufflet au gouvernement? n'est-ce pas lui ôter toute considération et toute force ? n'est-ce pas, au moins, partager la souveraineté avec lui? Que ferait-on de pis la veille ou le lende main d'une sédition victorieuse? Demandez ensuite respect et obéis sance pour un gouvernement qui ne peut pas même empêcher qu'on,ne proclame, eh quelque sorte, sa déchéance à tous les coins de rue ! Tout ceci est l'évidence même, tout ceci serait vrai pour la république comme il est vrai pour la monarchie. Du reste, rien n'est plus facile, on le sait, que de pousser le vrai jusqu'à l'ab surde ,en l'exagérant. C'est la tactique de tous ceux qui, n'osant combattre le vrai en face, commencent par le fausser en lui prêtant des conséquences qui le défigurent pour en avoir meilleur marché. On triomphe ensuite aisément, non du vrai, non du bon sens, mais du fantôme qu'on a rais à sa place. Aujourd'hui , à la Chambre, croyez-vous qu'on ait sériensement attaqué la loi sur les crieurs publics? Non pas, certes. Les adversaires du projet de loi ont été plus adroits que cela. A la place des crieurs publics, desquels seuls il s'agissait, qu'ont-ils mis ? La liberté de la presse. Vous ne voulez pas qu'on proclame , à haute voix , dans les rues et dans les carrefours la république ou la dynastie déchue? Souffrircz-vous qu'on le fasse dans les journaux ? Le crime qui se vend quatre-vingts francs est-il moins crime que le crime qui se vend un sou? Le crime qui se distribue à domicile est-il moins crime que celui qui se distribue de rue en rue? Votre principe va donc jusqu'à renverser la liberté de la presse! Et le votçe, jusqu'où va-t-il ? Si la liberté de publier ses opinions est la liberté de les crier, n'est-ce pas aussi la liberté de les afficher, la liberté de les déclamer sur un théâtre, par l'organe d'un aeteur' la liberté de les prononcer publiquement en forme de harangue populaire sur la première" tribune venue, une borne, un tréteau ? Alors donc jusques là, de peur de pécher contre la logique, souf frons que tous nos murs soient garnis d'affiches qui appellent le peuple à la révolte. Il y a bien des gens qui s'arrêtent pour lire une affiche, et qui ne tireraient pas un sol de leur poche pour acheter un pamphlet. Les affiches, c'est la presse du peuple, la presse gra tuite. Appelons le peuple au théâtre pour mieux émouvoir les passions. Réunis, serrés les uns contre les autres, sous l'in fluence de cette sympathie électrique et puissante qui gagne i...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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