Edmée Chandon, première Française astronome
En 1912, Edmée Chandon entre à l’Observatoire de Paris comme aide astronome. C’est la première femme à y obtenir un poste officiel. La presse s’en réjouit.
En mars 1912, de nombreux journaux publient la nouvelle : une femme vient d’être nommée à l’Observatoire de Paris.
« Par arrêté en date du 28 février dernier, Mlle Edmée Chandon a été nommée aide astronome et attachée, à dater du 1er mars, à l'Observatoire de Paris.
Cette jeune femme, la première qui soit admise officiellement comme astronome dans un observatoire français, – Mlle Dorothée Klumpke avait été simplement autorisée à faire de l’astronomie à l'Observatoire –, est née à Paris d'un père parisien et d'une mère lorraine, appartenant à une vieille famille universitaire. »
En novembre 1908, Edmée Chandon est reçue première à l’agrégation de mathématiques et comme le remarque Le XIXe siècle, « elle aurait pu se faire une place brillante dans l'enseignement, mais une vocation manifestée dès l'enfance l'attirait vers l'astronomie ».
« Au mois d'octobre suivant, elle obtenait d'entrer comme stagiaire à l'Observatoire de Paris, où ses aptitudes très marquées et l'activité dont elle fit preuve au service méridien en tant qu’observateur de jour lui ont valu, sur la proposition unanime du conseil de l'Observatoire, la nomination d’aide-astronome. »
La nouvelle réjouit la plupart des observateurs qui y voient, comme L’Aurore, une « nouvelle victoire féministe ». Pour Le Petit Troyen, « les féministes sont dans la joie ».
« UNE ASTRONOME – Pourquoi pas ?
La femme médecin, la femme avocat, la femme professeur, la femme artiste ont au milieu de nous leur place faite, et qui s'élargit tous les jours ; pourquoi ne saluerait-on pas avec respect l’installation d'une jeune femme astronome à l’Observatoire de Paris ?
D’autant que cette place-là n’est pas à la portée de toutes les ambitions, et que, pour l'occuper, il faut être tout de même un peu plus qu’une personne laborieuse et avisée...
Mlle Edmée Chandon possède ses deux baccalauréats, son diplôme de licence mathématique, brillamment conquis, et enfin, elle a été reçue, il y a trois ans, première au concours d’agrégation de mathématiques !
Voilà des titres. Mlle Edmée Chandon prépare son doctorat. »
Le Journal note de son côté l’ironie de deux nouvelles qui s’entrechoquent : Edmée Chandon est nommée à l’Observatoire de Paris au moment où le dramaturge Maurice Donnay célèbre Molière, qui n’aimait pas les femmes savantes.
« Pourquoi Molière n’aimait-il pas les dames qui s’intéressent aux étoiles ? […]
La vérité semble bien que Molière regardait la femme comme un être essentiellement destiné à faire de la soupe et des enfants. Sortie de là, elle devient rapidement nuisible et insupportable. »
Sous le titre « Les deux écoles », Le Gaulois met en perspective la nomination d’Edmée Chandon et les actions politiques des suffragettes anglaises. Après avoir déploré la méthode « explosive » des militantes britanniques qui brisent des vitrines, l’écrivain Émile Faguet, se définissant comme « vieux féministe », préfère l’« école Chandon ».
« Voyez au contraire Mlle Chandon. C'est l'autre école. Elle va tout doucement et à petit bruit, ce n'est pas elle qui casse ou qui enfonce quelque chose.
Elle va par degré du baccalauréat ès sciences à la licence ès sciences et à l'agrégation de mathématiques et à l'Observatoire. Elle suit la ligne qui, quoique longue, est la plus courte encore d'un point à un autre, elle ne connaît pas la ligne brisée ou du moins elle n'en use point. Elle ne connaît pas d'erreur d'optique. Elle se sert des vitres, mais ce n'est point en les brisant, c'est pour regarder les étoiles à travers.
Les autres font des étoiles aux plaques de verre ; celle-ci use des plaques de verre pour examiner les étoiles. Il y a de très grandes différences entre les manières dont l'une et les autres considèrent et fréquentent la matière vitreuse. »
En 1917, Mlle Chandon précise la latitude de Paris : « La latitude exacte de l'Observatoire de Paris correspond en effet au 48e degré de latitude Nord, augmenté de 50 minutes et non de 55 comme on l'a dit. Je demeure donc en complet accord avec la “Connaissance des Temps” qui donne 48°50' 11" 2"', avec Camille Flammarion, avec tous. », explique-t-elle dans une interview.
En 1919, elle entre à la Société mathématique de Paris. La presse se fait ensuite l’écho des prix qu’elle reçoit pour son travail. Elle est nommée astronome-adjoint en 1924. Première femme à soutenir une thèse d’État en sciences mathématiques en 1930, elle va consacrer sa vie à l’Observatoire, publiant régulièrement ses travaux.
En 1935, l’astronome belge Eugène Joseph Delporte découvre un nouvel astéroïde qu’il baptise Edmée en son honneur.
En 1943, l’Académie des sciences doit désigner deux nouveaux astronomes titulaires. Le premier poste revient à Bernard Lyot. Pour le second, André Couder et Edmée Chandon obtiennent le même nombre de voix à l’élection.
Le Matin s’étonne de l’ouverture de l’Académie.
« La grande assemblée du quai Conti qui, jusqu'à présent, se montrait d'une intransigeance sans égale vis-à-vis des dames, a donc brusquement renoncé à une peu aimable tradition. On se demande d'ores et déjà qui des deux l'emportera demain devant les officiels chargés de prendre la décision finale.
L'homme, la femme, on ne sait. D'un coup de dés la question sera réglée.
Si Mme Chandon, qui, depuis trente ans, est astronome auxiliaire à Paris, était désignée, on verrait pour la première fois à l'Observatoire une femme titularisée. »
Néanmoins, la modernité a ses limites à l’Académie des sciences. C’est André Couder qui décrochera le poste.
Edmée Chandon meurt un an plus tard, en 1944, sans jamais avoir été astronome titulaire.