1917 : Les difficiles journées sans tabac
En 1917, la crise du tabac oblige les fumeurs - et en particulier les femmes - à réduire leur consommation...
En 1917, en pleine guerre, une pénurie de tabac frappe la France, devenant rapidement un problème de première importance.
Pourquoi cette pénurie ? Le Matin donne la parole au président de la Confédération générale des planteurs de tabac de France, qui s'inquiète de la dispartion à brève échéance de la culture du tabac :
"Voici les raisons qu'il expose : le prix de la main-d'œuvre a triplé, mais les prix payés par l'Etat n'ont été relevés que d'un quart. Conséquence, les cultivateurs préfèrent cultiver la pomme de terre ou le blé, qui leur assurent un bénéfice normal, tout en nécessitant des soins bien moins méticuleux."
En décembre 1917, le sujet occupe tout particulièrement les discussions entre le gouvernement et le Premier ministre britannique en visite en France. A cette occasion, Le Gaulois rappelle que les fumeurs de France ne sont pas seuls à souffrir du manque de tabac :
"Cette pénurie commence à se faire sentir également en Angleterre, où le ministère du commerce s'ingénie, parait-il, à y remédier car, loin d'être considéré comme une importation de luxe, le tabac est tenu chez nos voisins comme un article indispensable, en ce moment surtout où il en est fait une si grande consommation sur le front. Le tabac est jugé nécessaire au soldat, qui trouve dans la cigarette et la pipe mieux qu'une distraction : une sorte d'excitation salutaire qui ajoute à son esprit d'endurance et à son énergie."
Le journal français rapporte une interview de la "compagne active et dévouée" du Premier ministre britannique, donnée quelques jours plus tôt au Daily Express :
"Les femmes, par esprit de solidarité patriotique, doivent renoncer à fumer la cigarette. Les hommes du front ne doivent pas manquer de tabac, a déclaré Mme Lloyd George avec force. Ils ont l'habitude de fumer. Le tabac calme leurs nerfs aux heures difficiles.
J'estime qu'il serait déplorable que nos soldats fussent privés de leurs aises par le refus que les femmes opposeraient à la demande qui leur serait faite de renoncer à la cigarette. L'habitude de Ia cigarette est nouvelle chez la plupart des femmes. Il est de leur devoir d'en faire le sacrifice au profit de ceux qui nous défendent."
En 1918, après six mois de crise, une "carte de tabac" est instituée en France, comme le rapporte Le Gaulois, qui en explique les raisons :
"Tous les Parisiens ont assisté à ces scènes : des clients privilégiés par les débitants parce qu'ils fréquentaient assidument le comptoir du marchand de vins attenant, et cela au détriment des seuls fumeurs peu désireux d'ingurgiter des consommations douteuses. Et puis, les paquets de cigarettes et de tabac vendus clandestinement avec une prime assez élevée. Et puis, les files interminables de femmes et d'enfants à la porte des débits dès qu'était signalée la voiture de l'entrepôt des tabacs.
Tout cela constituait des scandales quotidiens auxquels une bonne administration aurait dû mettre bon ordre depuis longtemps [...]
La carte de tabac ne sera délivrée qu'aux consommateurs de sexe masculin, âgés de plus de seize ans, sur la présentation de la carte générale d'alimentation. Elle ne crée pas un droit à une ration fixe elle donne seulement l'assurance au porteur d'être admis, avec un tour régulier, à la distribution des tabacs dans la localité de sa résidence."