1937, quand Édith Piaf devint une star
En 1937, celle que l'on surnomme « la Môme Piaf » est révélée par une série de concerts à l'ABC, un music-hall parisien. La presse acclame la nouvelle star de 21 ans, née et élevée dans la misère
1937. Une jeune femme de 21 ans se produit sur la scène de l'ABC, un music-hall parisien. Son nom : Édith Piaf. Née dans la misère, cette petite Parisienne d'1m 47, que l'on surnomme « la Môme Piaf », s'est déjà fait connaître avec un disque enregistré l'année précédente chez Polydor.
Mais cette série de représentations à l'ABC va la transformer en immense star, la plus célèbre de toute la chanson française de l'époque. La presse ne s'y trompe pas, qui fait d'elle une héroïne populaire, porteuse de toutes les souffrances du petit peuple des faubourgs, avant de la célébrer comme une grande artiste.
Au début, les compliments sont encore timides. Paris-Soir écrit le 4 avril :
« La môme Piaff a plus d'émotion sincère et de sobriété que naguère. On trouve moins de poncifs dans ses chansons, moins de comique vulgaire. Elle atteint maintenant à la beauté douloureuse et simple d'un dessin de Steinlen. »
Tandis que Le Figaro ajoute :
« Et puis il y a la môme Piaf, une des plus récentes de nos chanteuses réalistes, et qui a un petit genre bien à elle. Elle est sobre, nette, les gestes courts, et dans la voix des accents très chauds, très émouvants. Dans son tour de chant, il y a, en des genres différents, deux bonnes chansons, Correct et régulier et, surtout, Mon amant de la coloniale. »
Et que Le Journal se montre encourageant :
« Quant à la môme Piaff, elle est, sans vaine littérature, ce moineau des faubourgs, condamné à chercher sa pâture entre les pavés gras et noirs des cours d'usine. Elle est simple ; elle est vraie, maintenant. Elle sera noble demain, si, méprisant tout réalisme facile, elle veut bien être Piaff tout court à l'affiche et « môme », pauvre môme, dans nos cœurs seulement. »
Il faut dire qu’Édith Piaf revient de loin. Sa carrière a bien failli tourner court une année plus tôt, avec l'assassinat de Louis Léplée, le gérant du cabaret Le Gerny's, qui l'avait repérée en 1935. Piaf, placée en garde à vue pour ses liens présumés avec les criminels – des petites frappes de Pigalle –, avait alors fait l'objet d'une vindicte médiatique et avait perdu tous ses engagements.
Mais sa persévérance va payer. Dès l'automne 1937, les critiques sont dithyrambiques. « La Môme Piaf », la gamine des faubourgs, est désormais Édith Piaf, tout simplement. Le Journal écrit le 26 novembre :
« La môme Piaf est morte. Vive Édith Piaf !
Il y a beau temps déjà que le moineau de Paname méritait ce nom qu'aujourd'hui on lui donne. La « môme » était charmante, qui de ses grands yeux tristes, des plis amers de sa bouche — de notre snobisme aussi — savait tirer, comiques ou tragiques, des effets que chacun s'accordait à juger admirables. La môme était charmante certes et son succès justifié.
Mais Édith Piaf et le triomphal accueil que le grand public fait maintenant à chacune de ses chansons, c'est évidemment autre chose. C'est une artiste, une grande artiste qu'à force de travail et d'intelligence est devenu le petit phénomène applaudi voici quelques années dans certaine boîte des Champs-Élysées. Il faut l'avoir vue, à genoux, crier sa peine à la mer dans « Un marin faut que ça voyage » de Goldin, il faut l'avoir entendue hurler « Le fanion de la Légion » ou dire, avec infiniment d'esprit, « Correct et régulier », petit chef-d'œuvre d'observation où se décèle sans peine la patte de Marc Hély, pour apprécier à sa juste valeur la gamme, toute la gamme de ses moyens, toutes les ressources de son magnifique talent. »
L’Écho de Paris est d'accord :
« Cette petite « môme » Piaf, devenue Mlle Édith Piaf, est une grande artiste. Elle est timide, simple, modeste, mais quand sa voix de petite faubourienne s'élève, un miracle s'accomplit. Son émotion emplit toute la scène, toute la salle, tous les cœurs. Elle est sensible comme un cristal et chante la douleur des femmes mal aimées ou l'héroïsme des soldats au destin tragique avec une ardeur qui nous bouleverse. »
Après une carrière éblouissante, Édith Piaf mourra en 1963, à l'âge de 47 ans. Elle aura enregistré certains des plus grands classiques de la chanson française : Non, je ne regrette rien, La Vie en rose ou encore Milord.