Écho de presse

La Sagrada Familia, splendeur inachevée de Barcelone

le 18/04/2021 par Pierre Ancery
le 30/01/2018 par Pierre Ancery - modifié le 18/04/2021
La Sagrada Familia, photo de Baldamer Gili Roig, 1905 - source : WikiCommons-Museu d'Art Jaume Morera

La basilique conçue par l'architecte catalan Gaudí voit sa construction débuter en 1882. Bien qu'inachevée, elle suscitera l'admiration des journalistes français.

C'est probablement l'édifice le plus célèbre de Barcelone. La basilique de la Sagrada Familia, de son nom complet Temple Expiatori de la Sagrada Familia en catalan (« temple expiatoire de la Sainte Famille ») est aussi l’œuvre la plus fameuse de son architecte, Antoni Gaudí.

 

Typique du modernisme catalan, la Sagrada Familia a vu sa construction débuter en 1882. La basilique, dont l'architecture est d'une grande originalité formelle avec sa structure en arc en chaînette, est alors prévue pour être l'édifice le plus haut de Barcelone.

 

Mais les travaux prennent beaucoup de temps. En 1905, elle est toujours inachevée. Ce qui n'empêche pas un journal comme La France d'admirer l'avancement du projet imaginé par Gaudí :

 

« L’architecture contemporaine de Barcelone est, comparée à celle de Madrid, originale, hardie et quelque peu extravagante, comme il arrive lorsque l’originalité sort des limites rationnelles [...].

 

Le roi de cette architecture toute spéciale, c’est l’architecte Gaudí, artiste d’une étonnante imagination, homme extraordinaire et, par-dessus tout, suggestif. Il est l'auteur de la Maison Palais de Guell, du Palais épiscopal d’Astorga, de la maison de Fernandez à Léon et de l’église de la Sainte-Famille, à Barcelone, dans laquelle il a mis toute sa personnalité.

 

Le style particulier de Gaudí, c’est le gothique, mais le gothique s’élevant sans frein et sans mesure jusqu’aux fantaisies les plus originales et les plus inattendues. Rationaliste convaincu parfois, il devient, dans certaines circonstances, un véritable poète de l'architecture, sacrifiant les convenances au caprice artistique que le plus subtil, ou au symbolisme le plus extravagant.

 

Ses œuvres ne se prêtent pas à l’analyse ; et il faut les considérer comme supérieures à tout ce qui est connu, ou bien les déclarer absolument mauvaises. »

 

En 1909, Gabriel Hanotaux, revenu d'un voyage à Barcelone, décrit sa fascination dans Les Annales politiques et littéraires. La façade, avec ses mille détails enchevêtrés, le séduisent particulièrement. Pour lui, l'église est emblématique d'un style, celui de la « Barcelone nouvelle », ville moderne et énergique, bien ancrée dans le XXe siècle :

 

« Imaginez-vous, au bout d'une esplanade déserte, la carcasse d'une nef immense, de forme ronde et qui serait coupée, par le milieu, de haut en bas [...].

 

Devant cette étonnante ruine neuve, on a planté – déjà ! – un portail, qui, lui, est achevé, ou peu s'en faut, mais un portail extraordinaire : une fantaisie, un rêve, je ne sais quel cauchemar sorti d'un cerveau en mal de puissance et d'originalité ; non banal, certes, ni vulgaire, mais étrange et inattendu ; tous les ordres, tous les styles, toutes les inspirations à la fois [...].

 

Cette église immense, inachevée, demi-vivante et demi-ruinée, dans son art débordant, mais non indifférent, répond bien à la hardiesse, à la vigueur, à l'élan, à la personnalité, en un mot, de cette nouvelle Barcelone, qui a poussé en une nuit, comme une couronne de modernisme, sur le front vénérable de l'antique Espagne. »

 

En 1926, Antoni Gaudí meurt, à 73 ans, heurté par un tramway, sans avoir vu l'achèvement de sa basilique. Le Journal des débats politiques et littéraires lui rend hommage et rappelle que la Sagrada Familia fut l’œuvre de sa vie :

 

« Antoni Gaudi était chargé, depuis 1883, de la construction du temple de la Sainte-Famille, qui est loin d'être terminé. Toutefois, Antoni Gaudi en a bâti une grande partie et les quatre immenses tours que tous les étrangers qui passent par Barcelone vont visiter.

 

Ce temple est non seulement une œuvre grandiose, mais encore, une œuvre d'une grande originalité et dont la maquette avait été exposée à Paris, en 1900. À ce moment, et lorsque l'architecture moderne semblait ne plus pouvoir sortir des modèles estimés classiques, l'œuvre de Gaudi bouleversait déjà toutes les conceptions architectoniques en vigueur. Il a été, par là, un précurseur. »

 

L'histoire de la basilique ne se termine cependant pas avec la mort de son créateur. Les travaux se poursuivent dans les années qui suivent. Mais lorsqu'en 1936 survient la guerre d'Espagne, les journaux français annoncent la destruction de la basilique dans les combats. L’Écho de Paris écrit ainsi, sous la plume de son envoyé spécial :

 

« J'ai pu avoir confirmation que toutes les églises de Barcelone sauf l'église française et la cathédrale avaient été brûlées totalement ou en partie [...]. L'église de la Sagrada Familia aurait été également anéantie par le feu. »

 

Information erronée puisque ce sont seulement les maquettes et les ébauches de Gaudí qui ont alors disparu, détruites par des anticléricaux catalans. Malgré la disparition du plan directeur de l'ensemble, la construction se poursuivit dans les décennies suivantes.

136 ans après la pose de la première pierre, la basilique n'est pas encore terminée. Elle devrait l'être en 2026, pour le centenaire de la mort de Gaudí.

La Sagrada Familia est aujourd'hui le monument le plus visité d'Espagne.