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Stendhal
Le Rouge et le Noir
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Le célèbre roman de Stendhal, paru en 1830, fit sensation parmi les lecteurs de l'époque. Il choqua toutefois la critique par sa peinture désillusionnée des sentiments amoureux.
Le 1er novembre 1830, le journal La Quotidienne fait paraître cet entrefilet :
« Il paraîtra cette semaine, chez le libraire Lavasseur, un roman de M. de Stendhal, intitulé : Le Rouge et le Noir, chronique du XIXe siècle. Nous verrons si l’auteur, qui a dit parfois des vérités assez dures à tous les partis, aura conservé cette courageuse impartialité. »
Le quotidien pouvait-il s'imaginer qu'il annonçait là la parution d'un des plus grands livres du XIXe siècle ? Le Rouge et le noir, deuxième roman de Stendhal, alors âgé de 47 ans, allait en effet connaître un destin exceptionnel.
Le roman, inspiré d'un fait divers qui défraya la chronique (l'affaire Berthet, en 1827), raconte le parcours de Julien Sorel, fils de charpentier d'une petite ville nommée Verrières, fasciné par Napoléon et caressant comme lui de grandes ambitions.
Devenu précepteur des enfants de la famille Rênal, le jeune homme va nouer une relation passionnée avec Louise de Rênal, la mère, avant d'aller à Paris où il va gravir les échelons sociaux et avoir une liaison avec Mathilde de La Mole, jeune femme séduisante et exaltée.
Le Rouge et le noir, que Roger Nimier décrira plus tard comme « une étude de l'amour avançant entre les murs de la société », s'attira toutefois des commentaires mitigés dans la presse de son époque.
Parmi les plus enthousiastes, Le Figaro du 26 décembre 1830 en fait une longue recension :
« Le succès que ce livre obtient dans le monde pourrait nous dispenser de dire par quel côté il brille, et par quel autre côté il ne répond pas toujours à la curiosité du lecteur, tenue en haleine tout le premier volume, puis lasse d'attendre l'intérêt qui rate au second.
Cependant nous dirons que tout ce qui est causerie, aperçus, portraits, raillerie, philosophie, impiété, dans le roman de M. Stendhal, y est traité avec supériorité. Calme sans être mesuré, le style en est jeune, frais et plein de couleur, trop plein quelquefois, car c'est le vermillon qui domine [...].
Au reste, malgré ses longueurs, ce livre est le plus remarquable qui ait paru depuis la révolution de juillet, et, comme elle, le succès ira loin. »
À noter que la question de l'origine du titre choisi par Stendhal ne fut jamais réellement éclaircie, l'auteur n'ayant jamais donné d'explication. Selon l'interprétation la plus courante, le rouge symbolise l'armée et le noir le clergé. Les deux couleurs peuvent aussi désigner celles de la roulette, et le titre faire référence au hasard.
Le 26 décembre, Le Journal des débats politiques et littéraires décrit le livre comme « un ouvrage remarquable, vif, colère, plein d'intérêt et d'émotions », mais reproche à Stendhal sa franchise, voire son cynisme désillusionné dans sa peinture des passions :
« M. de Stendhal est un de ces écrivains à plusieurs noms, à triple visage, toujours sérieux, dont on ne saurait trop se méfier. C'est un observateur à froid, un railleur cruel, un sceptique méchant, qui est heureux de ne croire à rien, parce qu'en ne croyant pas il a le droit de ne rien respecter et de flétrir tout ce qu'il touche.
Un auteur ainsi fait, corps et âme, s'en va sans inquiétude et sans remords, jetant son venin sur tout ce qu'il rencontre ; jeunesse, beauté, grâces, illusions de la vie ; les champs même, les forêts, les fleurs, il les dépare, il les brise [...].
J'imagine bien qu'on puisse obtenir un succès avec un livre ainsi rêvé, mais jamais, jamais on n'aimera l'auteur qui vous aura gâté toutes vos illusions, qui vous aura montré le monde trop laid, pour que vous osiez désormais l'habiter sans pâlir. »
La Gazette de France est, elle, franchement critique, faisant allusion au changement de nom de l'auteur, de son vrai patronyme Henry Beyle :
« Sous tous les titres, sous toutes les couleurs, cette honteuse production ne sert qu'à ajouter par une preuve à bien d'autres, qu'il est plus que temps que M. de Stendhal change encore une fois de nom, et pour toujours de manière et de style. »
Victor Hugo ne sera guère plus tendre avec le roman, écrivant à Rochefort (grand amateur de Stendhal) : « Chaque fois que je tente de déchiffrer une phrase de votre ouvrage de prédilection, c’est comme si on m’arrachait une dent […]. Stendhal ne s’est jamais douté un seul instant de ce que c’était que d’écrire. »
Mais les lecteurs ultérieurs rendront justice au Rouge et le noir. Nietzsche parlera de Stendhal comme du « dernier des grands psychologues français ». Le livre est aujourd'hui considéré comme un classique, au même titre que La Chartreuse de Parme, son autre grand roman.