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Victor Hugo
Notre-Dame de Paris
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Paru en 1831, le roman de Victor Hugo suscita l'enthousiasme de nombreux critiques... et le rejet des antiromantiques, déjà échaudés par Hernani, jouée l'année précédente.
1828. L'éditeur parisien Charles Gosselin fait une proposition à Victor Hugo, jeune auteur de 26 ans plein d'ambition qui commence tout juste à se faire connaître : pourquoi ne pas écrire un roman historique à la Walter Scott ?
Hugo, grand admirateur de l'écrivain écossais, accepte aussitôt et se met au travail. Il a décidé que son livre, qui prendra place dans le Paris du Moyen âge, sera à la fois un roman plein de rebondissements, aux multiples intrigues, et une réflexion morale et politique.
Trois ans plus tard, en 1831, paraît Notre-Dame de Paris, vaste fresque aux personnages inoubliables (Quasimodo, Esmeralda, Frollo...) qui deviendra l'un des romans les plus célèbres de son auteur – et l'un des plus fameux de toute la littérature française.
Les critiques de l'époque sont élogieuses, même si certaines lui trouvent quelques défauts. Dans Le Figaro, on lit par exemple :
« C'est une tâche assez difficile que de rendre compte du nouveau roman de M. Hugo. Il y a dans ces deux énormes volumes tant et de si bizarres choses que, lorsque vous arrivez à la fin, étourdi, ébloui, confus, vous voyez tout tourner autour de vous comme dans un rêve ou un vertige. Dévouements, atrocités, repaires infâmes, églises, boudoirs, potences, plomb fondu, batailles, feu, fumée, fleurs, squelettes, sages , monstres, ciel, enfer , il y a de tout dans Notre-Dame [...].
Le personnage de la Esmeralda n'est pas moins invraisemblable que celui de Quasimodo. Qu'est-ce que cette pureté angélique que conserve une bohémienne élevée au milieu de ce qu'il y a de plus corrompu, de plus crapuleux dans l’égout de la société ? […]
Il y a plus de vérité dans la peinture du caractère de Claude Frollo ; c'est bien un de ces prêtres du Moyen âge à qui toutes les sciences connues ne suffisaient pas. »
Le Journal des débats politiques et littéraires salue quant à lui la richesse du roman, son style grandiose, sa précision dans l'évocation de la vie parisienne du XVe siècle et l'amour de Hugo pour ses personnages :
« La fantaisie qui a inspiré ce roman, c'est l'amour de l'architecture du Moyen âge, fantaisie noble, poétique, où il y a plus de philosophie et de sens qu'on ne pense ; fantaisie ardente, passionnée, qui ne ressemble pas mal à une espèce de culte [...].
M. Victor Hugo a rassemblé tout cet amour sur Notre-Dame de Paris ; il en a fait une personne, il lui a donné pour âme, la longue et patiente pensée qui l'a élevée de terre et montée jusqu'à trois cents pieds, avec les tributs et les bras des générations ; il y a mis des personnages, dans lesquels il s'est placé lui-même, pour s'identifier avec elle, pour la voir de plus près, pour la servir. »
L'année suivante, le même journal, sous la plume (anonyme) de Sainte-Beuve, renouvellera son admiration. Toutefois, le critique trouve que le roman manque de lumière chrétienne :
« Il manque un jour céleste à cette cathédrale sainte ; elle est comme éclairée d'en bas par des soupiraux d'enfer. Le seul Quasimodo en semble l'âme, et j'en cherche vainement le Chérubin et l'Ange.
Dans le sinistre dénouement, rien ne tempère, rien ne relève ; rien de suave ni de lointain ne se fait sentir. »
La Gazette du Languedoc est quant à elle follement enthousiaste :
« Les scènes gaies, terribles, fraîches, hideuses, tendres, atroces, toutes palpitantes d'intérêt et de vie se succèdent et passent devant vous comme les vues d’un panorama [...]. Ah ! laissez aller votre esprit aux inspirations de l’auteur, ne vous arrêtez pas quand il précipite sa marche sûre et rapide à travers tous les sentiments et tous les souvenirs [...].
On dirait que les frémissements de toutes les passions ont déjà vibré chez lui ; il peint, décrit, raconte, met en scène, se multiplie et se diversifie avec une prodigieuse facilité. »
Mais le jeune Hugo, dont la pièce Hernani avait déclenché une gigantesque controverse l'année précédente, est loin de n'avoir que des amis... On ne s'étonne donc pas de voir le chroniqueur du Globe le traiter, lui et les écrivains romantiques, de nostalgiques « dépourvus d'inspiration nouvelle », bloqués dans un passé qu'ils s'évertuent à recréer au lieu de s'intéresser à l'avenir :
« Les artistes de nos jours, ceux qui, sous le nom de romantiques, se sont prétendus appelés à la régénération de l'art, ont été incapables d’accomplir cette œuvre, parce que pour eux l'art était quelque chose de complètement séparé de tous les progrès sociaux accomplis […].
De là vient leur impuissance à créer puisqu'ils se plaçaient au-dehors de la vie. Aussi à force de prétendre faire du neuf de cette manière, n’ont-ils pu parvenir qu’à ressusciter l’art du Moyen âge ; efforts tout aussi ridicules que de vouloir nous habiller avec les costumes de cet âge guerrier, nous en faire parler le langage, et nous loger encore dans ce Paris sale et tortueux si amoureusement décrit par M. Victor Hugo. »
Notre-Dame de Paris rencontrera rapidement un grand succès populaire, qui ne s'est depuis jamais démenti. Le roman a été par la suite adapté de nombreuses fois à l'opéra, au théâtre, au cinéma, et en comédie musicale.