1824 : la mort de Lord Byron, génie révolté et scandaleux
La vie sulfureuse du grand poète anglais s’achève en Grèce, où il était allé lutter aux côtés des indépendantistes. Sa mort, à 36 ans, fait de lui un personnage mythique.
L’année 1824 est marquée par un événement dont la secousse se fait sentir dans toute l’Europe : la mort, à seulement 36 ans, de Lord Byron, l’auteur scandaleux de Don Juan et du Childe Harold, disparu en Grèce alors qu’il luttait aux côtés des indépendantistes révoltés contre les Ottomans.
Le 18 mai 1824, Le Drapeau blanc annonce en une :
« Lord Byron est mort à Missolonghi, le 19 avril, après 10 jours de maladie. Une inflammation de poitrine est la cause de cet événement. »
Celui qui fut, avec Keats et Shelley, le plus grand poète romantique anglais, est né à Londres en 1788. Il s'est fait connaître à la fois pour son œuvre (le chant épique Childe Harold paru entre 1812 et 1818, le long poème satirique Don Juan publié en 1824) et pour sa vie sulfureuse — l’adjectif « byronien » désignant longtemps après sa mort un personnage à la fois torturé, sombre et séduisant —, la personnalité de ses personnages étant souvent confondue, dans l'imaginaire du public, avec celle de Byron lui-même.
En 1818, le Journal des débats politiques et littéraires saluait chez lui « des traits d'une force et d'une profondeur qui rappellent le génie informe et sublime de Shakespeare », désignant le jeune auteur comme « un de ces génies que l'admiration de leur patrie désigne avec justice à celle des autres nations ».
Byron incarne pour sa génération l’archétype du poète romantique mélancolique et désabusé, en guerre contre les mœurs et la politique de son temps. Sa vie licencieuse (il multiplia les conquêtes et s’adonna souvent à la débauche) choqua la bonne société britannique : Byron dut quitter l’Angleterre suite à sa relation incestueuse avec sa demi-sœur Augusta Leigh et son divorce avec sa femme Annabella. En 1820, Le Constitutionnel fait son portrait :
« Lord Byron est un homme d'un génie supérieur. Il est plein de verve et de passion, et dédaignant les règles de l'art, il s'abandonne sans réserve à tous les sentiments qu'il éprouve, à toutes les impressions qui le dominent. […] Il est souvent timide et silencieux, […] d'autres fois, il est expansif et se plaît à parler […].
Sa misanthropie hautaine, son dégoût superbe de la vie, son penchant à mettre ses héros dans des situations horribles et extraordinaires, font de lord Byron un poète à part, et le placent à l'une des sommités du Parnasse romantique. »
L’article évoque aussi, non sans une certaine fascination, « ses noirs cheveux, ses sombres sourcils […] ses yeux ardents et expressifs », et précise que sa poésie donne aux jolies femmes « de délicieuses attaques de nerfs ».
En juillet 1823, après avoir longuement séjourné en Suisse (aux côtés du poète Percy Shelley et de sa femme Mary, auteure de Frankenstein) et en Italie, il se rend en Grèce pour y soutenir les Grecs en lutte contre l’occupant ottoman. Fatigué, prématurément vieilli par une vie d’excès, il contracte la fièvre des marais à Missolonghi. Il en meurt le 19 avril 1824.
Le Constitutionnel écrira, en apprenant son décès :
« La mort d’un homme tel que lord Byron est un événement d’une toute aussi grande importance que beaucoup d’événements politiques. Lord Byron a marqué dans son siècle, par l’autorité du génie, par la force de la pensée. Son empire s’est exercé sur tous les esprits éclairés des deux mondes. »
Le même journal indique que sur décision du gouvernement grec, 37 coups de canon seront tirés (autant que d’années traversées par Byron), que toutes les administrations et toutes les boutiques du pays seront fermées pendant trois jours, et qu’il y aura un deuil général de 21 jours. Aujourd’hui encore, le poète est célébré comme un héros de l’indépendance grecque.
Le 23 mai, le Journal des débats politiques et littéraires rapporte ses dernières paroles :
« Lord Byron, avant de tomber dans le délire de trois jours qui a terminé sa vie, a dit aux personnes qui l'entouraient : “Je désire que l'on sache que mes dernières pensées ont été pour ma femme, ma fille et ma sœur”. »