Écho de presse

Le triomphe des « Temps modernes » de Chaplin

le 29/08/2021 par Pierre Ancery
le 25/08/2021 par Pierre Ancery - modifié le 29/08/2021

À l'unanimité, la presse française de 1936 salua la verve satirique et le génie comique du nouveau film de Charlie Chaplin. 

Au printemps 1936 sort en France Les Temps modernes, ultime film muet de et avec Charlie Chaplin, dans lequel son personnage de Charlot, ouvrier d'usine sur une chaîne de production, tente de survivre aux conditions de travail du monde industrialisé. La presse française, qui attendait depuis cinq ans le successeur des Lumières de la ville, y voit immédiatement une immense réussite.

Le Matin est dithyrambique :

« Et comment résister à ce comique si direct qu'il provoque le rire immédiat, physique, rebondissant à la réflexion tant il s'y mêle une qualité humaine. Cette gaieté, détente de la tristesse, compensation des duretés subies, refuge d'une volonté qui ne veut pas s'abandonner, s'impose sous une forme caricaturale pour atténuer le drame et la tragédie. Elle est le fait d'un courage et d'une ténacité qui sont un des côtés les plus attachants de l'art, du génial mime qu'est Charlie Chaplin. »

Tout comme L'Écho de Paris :

« Charlie Chaplin est Charlie Chaplin, c'est-à-dire — en 1936 tout comme en 1916 — le plus grand "bonhomme" que l'art cinématographique ait encore produit. »  

Midinette, sensible à l'humanisme du réalisateur-acteur, écrit :

« Nous aimons Charlot parce qu'en dépit de tout et de tous, il continue à se battre pour un idéal alors que depuis longtemps, nous avons, pour la plupart, abandonné la lutte, et que nous nous courbons devant les plates mais inexorables réalités de l'existence. »

Même L'Action française applaudit non seulement les trouvailles comiques, mais aussi le message politique du film (que le quotidien d'extrême-droite interprète à sa façon...) :

« Chaplin nous revient plus leste et léger que jamais. Il sautille à cloche-pied, avec une assurance et une précision d'acrobate, parmi tous les pièges, tous les fossés de son redoutable sujet. […] Mais il a surtout vu, dans Temps modernes, se dresser devant lui d'implacables automatismes sociaux, qui prétendent remplacer l'âme dans un univers sens dessus dessous : automatisme du travail, automatisme du plaisir (la foule moutonnière du dancing), automatisme de la rébellion (la grève imbécile des prolétaires) et de la répression (la police laissant filer les coupables et s'emparant à coup sûr de l'innocent), automatisme même de la charité. Charlot ne se rebiffe pas. Mais il constate, dans la simplicité de son cœur, que toute cette machinerie, parce qu'elle est inhumaine, se détraque perpétuellement ou fonctionne à vide. »

Le Petit Journal salue lui aussi le propos du film :

« Très justement, on a souvent dit de lui qu'il était le poète des ratés. Mais les êtres qu'il a baignés de sa pitié pour nous les rendre plus sensibles ne sont pas des ratés natifs, si l'on peut dire. C'est la vie qui les a fait devenir des ratés. En une autre époque, ils eussent connu une existence sans risques et sans bonheurs aussi. Dans la nôtre, ils sont entraînés, malgré eux, dans la lutte quotidienne et ils n'en peuvent plus sortir que vaincus et brisés. »

Premier film ouvertement politique de Chaplin, Les Temps modernes reste une de ses œuvres préférées du grand public.

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