« Quand mourut l'autre mois, à Amiens, le grand inventeur de Chimères qui marqua nos âmes d'enfants d'une si profonde empreinte, les reporters se plurent à le représenter comme un écrivain laborieux et méthodique, grand abatteur de copies, créant de toutes pièces ses “Voyages Extraordinaires” dans le silence paisible de son cabinet, sans documentation personnelle.
Bon petit bourgeois, casanier, conseiller municipal de sa ville, il aurait vécu jusqu'à soixante-quinze ans sans curiosité, sans aventures, loin des cataclysmes cosmiques, à l'abri des tempêtes, et en fait de bouée de sauvetage n'aurait jamais connu que son rond de cuir ! […]
Leur Jules Verne n'est pas le vrai Jules Verne, le mien, celui de ma jeunesse, celui qui m'enseigna la géographie, l'astronomie, la navigation, la géologie, la balistique, qui m'apprit à me jouer de l'électricité et à me méfier des Anglais, le vieux loup de mer dont les récits m'apparaissent bien trop vivants pour ne pas avoir été vécus. »