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L'inauguration des Nymphéas de Claude Monet

le par - modifié le 05/08/2020
le par - modifié le 05/08/2020

Offerts par Claude Monet à la France lors de l'armistice du 11 novembre 1918 comme symbole de la paix, les Nymphéas sont inaugurés au musée de l'Orangerie en 1927. Aujourd'hui considérés comme un chef-d’œuvre de la peinture de la première moitié du XXe siècle, ils ont pourtant été accueillis en 1927 avec un enthousiasme tout relatif.

De la donation en 1922 à l’inauguration en 1927

Le Petit Parisien, qui consacre régulièrement en première page une colonne aux grandes figures contemporaines, intitule celle du 12 février 1922 « Claude Monet à Giverny ».

Le journaliste François Crucy, qui s’est rendu chez le peintre, s’y émeut de l’étang des nymphéas où « fut exécutée une première petite série inoubliable des Nymphéas ». Il explique que la grande série, elle, « a été offerte par Claude Monet à l’État, et doit un jour trouver sa place dans une construction en forme de rotonde qui s’élèvera à côté du musée Rodin, sur les terrains dépendants de l’hôtel Biron ».

Mais Georges Clemenceau, alors président du Conseil, propose de l’installer à l’Orangerie, plutôt que dans la cour du tout nouveau musée Rodin. La donation devient effective en avril 1922.

En effet, le 14 avril 1922, Le Rappel annonce la signature devant notaire de la donation, souhaitée par Claude Monet dès 1920, des Nymphéas « dans un délai de deux ans »… Les travaux d’aménagement du pavillon, qui sont très importants, doivent « être engagés sans retard, conformément à un programme établi par l’architecte des Tuileries, M. Camille Lefèvre ».

Claude Monet, peintre : dans son jardin, Agence Meurisse, 1926 - source : Gallica-BnF

Clemenceau et Monet

Le 18 mai 1927 Le Gaulois publie à la une un long entretien avec Georges Clemenceau, non pas sur un sujet politique, mais sur Claude Monet.

Clemenceau rappelle au journaliste qui l’interroge qu’il a connu le peintre « alors qu’il n’avait pas suffisamment d’argent pour acheter des couleurs »« Il était si sévère à l’égard de son talent » ajoute-t-il, « il a certainement brûlé plus de cinq cents toiles… ».

Il commente les déchirures que présentent les peintures, un geste de colère, un sentiment qui, chez Monet, « naissait devant le manque de satisfaction de son œuvre ». À propos des Nymphéas« un ensemble circulaire de grandes toiles », Clemenceau estime avoir « contribué à lui en donner l’idée ».

Deux jours auparavant, le 16 mai 1927, il avait inauguré les salles des Nymphéas à l'Orangerie. Ce fut toutefois en l'absence de son ami Claude Monet, disparu le 5 décembre 1926...

Obsèques de Claude Monet, Agence Meurisse, 1926 - source : Gallica-BnF

Une réception mitigée

À l’Orangerie, dans l'une des « deux longues bâtisses sans beauté qui dominent la place de la Concorde » situées aux Tuileries, pour reprendre les mots du Petit Journal, est venu donc prendre place un musée Claude Monet. Y sont exposés huit longs panneaux, des toiles marouflées, les Nymphéas« un large poème des eaux, des reflets du ciel et des nuages qui passent sur l’étang de Giverny ».

Louis Paillard, auteur de l’article du Petit Journal, se montre assez réservé sur ces peintures et semble regretter les « si beaux paysages de Monet, du temps de sa jeunesse ou de sa maturité, qu’il est difficile d’oublier devant ces énormes productions de sa vieillesse ». Et d’ajouter : « Malgré la beauté de l’harmonie d’ensemble, malgré certains morceaux délicieux, on sent ici la fatigue ». En même temps, il estime que ces Nymphéas constitueront « une des curiosités de Paris ».

Dans un registre comparable, le chroniqueur de L’Intransigeant paru le 18 mai 1927 signale que « malheureusement, le peintre a retouché son œuvre jusqu’à la veille de sa mort et ses dernières retouches ne sont pas heureuses ». Thiébault-Sisson pour Le Temps, quant à lui, salue « une suite de compositions admirables, où le lyrisme du peintre déborde ».

Aujourd'hui, plus de 90 ans après la présentation des travaux, la question ne fait plus débat...

Couverture de « Claude Monet – Exposition rétrospective au Musée de l'Orangerie », 1931 - source : Gallica-BnF

Claude Monet (1840-1926)

Monet découvre la peinture aux côtés d'Eugène Boudin puis se forme à l’École des beaux-arts de Paris. Il intègre ensuite l'atelier du peintre Charles Gleyre où il rencontre Renoir ou encore Sisley. Il peint d'ailleurs en 1869 avec Renoir une série de tableaux à la Grenouillère, lieu de divertissement à Bougival. Pendant la guerre franco-prussienne et la Commune, il vit à Londres et croise Paul Durand-Ruel, important marchand d'art, qui diffuse les œuvres impressionnistes. À la fin des années 1880, il commence à acquérir une certaine renommée. Il peut alors s'installer à Giverny en 1883 où il restera jusqu'à sa mort en 1926. 

Claude Monet dans son atelier, Agence Meurisse, 1926 - source : Gallica-BnF