En 1925, dans le même journal, le philosophe Adolphe Basler répond à Vanderpyl que « Kisling, Mondzain, que d’autres artistes judéo-polonais, comme Zak, Kramstyck, Mme Muter, ne montrent de particularités particulièrement ethniques dans leurs œuvres. C’est Paris qui les forma tous et tous font une peinture qui est celle d’une époque et non d’une race déterminée. »
Dans les années trente en crise, le vocable se retourne de plus en plus contre les artistes étrangers, juifs en particulier. La voix des contempteurs, prétendant haut et fort défendre un « art français » contre « les juifs et les métèques », porte plus que jamais. Parmi eux, outre Vanderpyl, se situe Raymond Escholier, journaliste critique d’art et conservateur de musée. En 1938, alors qu’il est conservateur du Petit-Palais, il publie un ouvrage sur La Peinture française au XXe siècle dont le quotidien d’extrême droite L’Action français, reprend à son compte les propos antisémites :
« L'une des caractéristiques de l'École de Paris aura été l'essor de la peinture juive, peinture inquiète, anxieuse, tourmentée. »
Cela va également se manifester par la séparation de plus en plus tangible, dans les salons et dans des institutions muséales, entre « artistes français » et « artistes étrangers », signe d’un repli national de plus en plus frileux.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, loin de ces années « folles » et cosmopolites, on assiste à des expositions de peinture « exclusivement française » et à la mise au pilori des artistes juifs et étrangers, dont une partie se cache, et une autre, d’abord emprisonnée en France (au Camp de Mille notamment), mourra dans les camps ou les centres de mise à mort nazis. 40% des artistes juifs de l’École de Paris ne survivront pas à la guerre.
Au sortir du second conflit mondial, des conservateurs issus de la Résistance, comme Jean Cassou, nommé à la tête du nouveau Musée d’art moderne, rompront avec cette vision xénophobe et antisémite de l’art en France. Et, en 1964, Malraux fera entrer Chagall à l’Opéra de Paris.
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Pour en savoir plus :
André Warnod, Les Berceaux de la jeune peinture : Montmartre, Montparnasse, Albin Michel, 1925
Jean-Louis Andral, Sophie Krebs, École de Paris, 1904-1929. La part de l’Autre, catalogue d’exposition au Musée d’art moderne de la ville de Paris, 2000.
Jean-Louis Andral, Sophie Krebs, L'École de Paris. L'atelier cosmopolite (1904-1929), Collection Archives Gallimard, 2000.
Nadine Nieszawer (dir.), Artistes juifs de l’école de Paris 1905-1939, Somogy-Editions d’art, 2015.
Claude Schvalberg, Dictionnaire de la critique d’art à Paris 1890-1969, Presses Universitaires de Rennes, 2014.
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Rachel Mazuy est historienne, chargée de conférences à Science Po et chercheure associée à l’Institut d’histoire du temps présent. Elle est co-commissaire de l'exposition au sujet du peintre André Claudot (juin-septembre 2021) au musée des Beaux-arts de Dijon.