Pour Paris Soir, c’est la « Princesse de légende, frappée en plein rêve ». Le Journal évoque sa simplicité, ses « convictions démocratiques » :
« La reine n'hésitait pas à promener son bébé au parc public, poussant elle-même la petite voiture. Les amateurs de protocole réprouvaient un peu ce caprice royal, mais le peuple l'en aimait davantage. »
Le Jour précise encore les qualités singulières de la souveraine :
« La reine Astrid a été exactement ce que doit être la souveraine d’un royaume démocratique contemporain. Elle a été davantage encore : une femme au grand cœur, compatissante à toutes les misères, à toutes les tristesses.
Elle fut aimée pour elle-même et c’est là sans doute le plus beau titre de gloire pour une reine. »
L’Excelsior consacre sa dernière de couverture à « La vie simple et magnifique de la reine Astrid ».
Alors, la France prend aussi le deuil, et Le Petit Courrier résume toute l’empathie du pays envers sa voisine éplorée, sœur et camarade des combats passés :
« Tous les journaux du matin consacrent leur première page presque entière à la mort dramatique de la reine des Belges, reflétant l’émotion que cette nouvelle a causée en France.
Ils soulignent qu’entre les Belges et nous trop de liens se sont noués depuis la fraternité d’armes de la grande guerre pour que ce nouveau coup de l’adversité ne nous atteigne pas à travers eux. »
Le Petit Journal confirme : « Nous pleurons aussi ».
« II n'est pas, depuis hier, un Français, il n'est pas un être humain qui n'oublie, pour un temps, les tribulations de sa propre patrie, les difficultés de sa propre Existence.
A la stupeur qui nous a tous frappés, succède une consternation universelle, une douleur collective qui est la somme de sentiments plus significatifs encore : la soudaine tristesse, de chacun. Une tristesse épouvantée. »
Le Courrier royal – une gazette lancée par le Comte de Paris en 1934 – rappelle à ses lecteurs que la suédoise Astrid est une Bernadotte et que son lignage est francophile :
« Cadette des trois filles du duc de Vestergotland, frère cadet du roi de Suède, deux fois descendante de Joséphine de Beauharnais, impératrice des Français, Astrid de Suède était la petite-fille du roi Oscar II, ce monarque bien connu des Français, qui a porté ostensiblement durant tout son règne une humble médaille aux couleurs tricolores reçue à Cannes pour un sauvetage émouvant. »
Mais cet empressement français tient aussi à une raison plus prosaïque, parce que politique.
Le deuil frappe la Belgique à un moment où l’alliance franco-belge vacille. Quelques jours à peine avant le drame, les nationalistes flamands initiaient le mot d’ordre de « Los van Frankrijk » (« Séparons-nous de la France ») qui allait faire florès l’année suivante. Et parvenir à ses fins.
L’événement qui affecte le royaume belge est donc l’occasion de multiplier les preuves d’amitié françaises, au moment où l’Allemagne réarme.
Le président du Conseil Pierre Laval, le président Albert Lebrun ou encore le président du conseil municipal de Paris Jean Chiappe assurent la Belgique des condoléances émues de la France.
L’événement révèle aussi d’autres faces universelles, telles que la prégnance de la religiosité populaire comme l’attrait sordide pour le voyeurisme, deux émotions dont se repait la presse.
Car des centaines de journalistes se bousculent sur la scène de drame, littéralement mitraillée sous les flashes qui crépitent devant le moindre vestige. Des pages entières détaillent les circonstances de l’accident sous toutes les coutures, comme le placard central de Paris Soir dès le lendemain.