Écho de presse

29 avril 1945 : libération du camp de Dachau

le 28/04/2023 par Arnaud Pagès
le 19/04/2018 par Arnaud Pagès - modifié le 28/04/2023
Soldats américains à l'entrée du camp de concentration de Dachau, Allemagne, 1945 - source : National Archives Records of the Office of War/WikiCommons

Le 29 avril 1945, les soldats de la 45e division d'Infanterie de l'Armée Américaine pénètrent dans le camp de concentration de Dachau pour le libérer. Le spectacle qui s'offre à leurs yeux dépasse l'entendement.

Le 29 avril aux alentours de midi, tandis que l’horreur de la Seconde Guerre mondiale est sur le point de s’achever, les troupes yankees, qui ont reçu l'ordre de donner l’assaut sur le camp de travail nazi de Dachau, en Bavière, font leurs premières manœuvres d’encerclement. Pas à pas, ils se rapprochent de l'entrée du camp, apercevant déjà la voie ferrée aux abords des grillages.

Immédiatement, ils tombent sur un train, stationné là depuis l’avant-veille ; celui-ci a amené avec lui un convoi de prisonniers en provenance du camp de Buchenwald. En ouvrant les portes des 39 wagons à bestiaux, ils découvrent 2 300 cadavres de prisonniers décharnés, récemment assassinés par les SS. Horrifiés, les soldats décident qu'à Dachau, ils ne feront aucun prisonnier allemand.

À peine les lourdes portes franchies, l'horreur à nouveau : détenus cadavériques ressemblant à des squelettes vivants, dont les yeux exorbités se détachent sur leurs visages blafards, aux jambes fines comme des bouts de bois... Ici et là, de vastes fosses contenant des centaines de corps gris, en état de putréfaction, parfois mutilés, au-dessus desquels volent des nuages de mouches. Et partout, une odeur pestilentielle, âcre, qui prend chacun des soldats à la gorge et les fait tousser.

Progressant précautionneusement, les éléments de la 45e division d'infanterie débusquent et abattent systématiquement les quelques gardes SS restés en faction – la majorité ayant fui avant l'arrivée des Américains. La résistance est faible, l’issue ne fait guère de doute.

Dès le 6 mai, dans un article intitulé « Dachau… Vision d’enfer », le journal de gauche Ce Soir laisse entrevoir le calvaire qu'ont vécu les prisonniers, sans toutefois entrer dans les détails :

« M. Fernand Grenier, de retour de mission du camp de Dachau, a, au nom de la délégation envoyée par l'Assemblée consultative, dans une conférence de presse brossé les visions d'épouvante et d'horreur, que lui et ses compagnons venaient de rapporter.

Cent soixante-dix mille détenus sont passés par Dachau. Actuellement, il n'en reste plus que 30 000 dont 3 700 Français.

Le 1er mai, les nôtres ont défilé derrière le drapeau tricolore, en chantant la “Marseillaise”. Des résolutions ont été votées qui demandent le châtiment des criminels de guerre, dont celui de Pétain.

M. Fernand Grenier a dit sa stupéfaction, quand, au sortir de cet enfer, il a vu les Allemands gras et rebondis vaquer à leurs occupations dans des fermes spacieuses, aux contrevents verts. »

Situé au nord-ouest de Munich, aux abords d'un paisible village de la campagne du sud de l’Allemagne, Dachau fut le tout premier camp de concentration construit et mis en activité par le régime national-socialiste. Son ouverture fut annoncée par le Reichsfürher SS Heinrich Himmler en personne, dès le 20 mars 1933.

Il accueillait alors les « éléments considérés comme dangereux » par les cadres de la nouvelle Allemagne : opposants politiques, communistes, Juifs de Bavière, homosexuels et Tsiganes.

Son existence n’a jamais été un secret d’État, comme en témoigne son évocation à de multiples reprises dans la presse française des années 1930, notamment dans les lignes du journal L'Aube du 6 août 1933 :

« Berlin, 5 août. – Une statue en l'honneur de Horst Wessel, le héros du mouvement national-socialiste, a été inaugurée hier au camp de concentration de Dachau, près de Munich. Cette statue serait l'œuvre de prisonniers détenus dans ce camp.

M. Roehm, commandant suprême des compagnies d'assaut, et M. Himmler, chef des sections de protection, assistaient à cette solennité. »

Portraits d'Alsaciens et Lorrains détenus entre les murs de Dachau - source : Gallica-BnF

Douze ans plus tard, les soldats américains réalisent à peine l’horreur à laquelle ils assistent tandis qu’ils avancent dans l’enceinte du camp.

Pénétrant dans le bâtiment faisant office d’hôpital militaire, ils découvrent là une centaine d’officiers et de soldats allemands qui viennent de s’y réfugier. Avec l'aide d'un détenu polonais, le colonel Sparks, en charge de l'assaut, se fait désigner chacun des éléments SS présents. Il exécute chacun d’eux à la mitrailleuse.

À la fin de la journée, le camp est définitivement libéré et son administration est confiée au résistant belge Pat O'Leary.

Un mois et demi plus tard, la guerre terminée, le journal L'Aube livre le témoignage d'Edmond Michelet, un proche de la rédaction, dernier prisonnier évacué du camp.

« Sur le costume rayé et délavé du bagnard, un écusson triangulaire rouge sur lequel se détache le matricule 52 579 : c'est notre ami Edmond Michelet, le dernier rapatrié de Dachau.

Type même de “l’Ami de l’Aube”, co-fondateur du mouvement “Combat”, Michelet était demeuré de plein gré jusqu'à la fin du sinistre camp de Dachau pour prendre en charge les intérêts français durant la quarantaine et pour diriger les opérations de liquidation et d’évacuation.

Quelques heures après son arrivée à Paris, il s'est rendu chez M. Frenoy, au ministère des Prisonniers et des Déportés. C'est là que nous avons pu le joindre au moment même où il annonçait au ministre :

– Le camp de Dachau n'est plus. C'est le premier bagne nazi évacué en entier. Je rentre avec les derniers 3 000 derniers internés de mon camp, qui en groupait 35 000. »

C'est à Dachau qu’Heinrich Himmler ordonna, par exemple, que l'on se livre à des expériences médicales sur les captifs, toutes plus délirantes les unes que les autres. Il s’agissait notamment de leur inoculer des maladies ou de les laisser nus de longues heures enfermés dans une chambre froide, afin de « tester les limites de la résistance humaine ».

On estime qu'environ 250 000 prisonniers, dont 6 000 Français, ont été détenus entre 1933 et 1945, accusés au choix d'être Juifs, Tsiganes, homosexuels, associaux, témoins de Jehovah, résistants, communistes, cadres de l’Église catholiques ou encore membre de l'ancienne noblesse allemande. 80 000 d'entre eux n'en sont jamais revenus.

En 1965, à l'initiative d'un groupe d'anciens prisonniers, un mémorial a été construit sur l'ancienne place d'appel, afin de témoigner des souffrances extrêmes endurées ici. En guise d'avertissement aux jeunes générations, ces mots ont été inscrits dans la pierre :

« Puisse l’exemple de ceux qui sacrifièrent leur vie pour lutter contre le national-socialisme, unir les vivants dans la défense de la paix et de la liberté et le respect de la dignité humaine. »