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L’éruption de la montagne Pelée en 1902

le par - modifié le 05/08/2020
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Le 8 mai 1902, l’éruption volcanique de la montagne Pelée est la plus meurtrière du XXe siècle. Elle anéantit plus de 30.000 personnes et réduit en cendres la ville de Saint-Pierre, surnommée « le petit Paris des Antilles ».      

Une catastrophe naturelle dévastatrice, à l’ampleur inédite au XXe siècle

La ville de Saint-Pierre est la capitale économique et culturelle de la Martinique, au cœur du commerce international du rhum. Bâtie au pied du volcan (1397 mètres), elle est plus peuplée que Fort-de-France, la capitale administrative, comptant environ 26.000 habitants en 1902.

Vers 8h du matin, le 8 mai 1902, une terrible explosion éventre le versant méridional du cratère. La nuée ardente noire, constituée d’une émulsion de gaz toxiques, de cendres et de blocs de lave incandescente, qui s’en échappe atteint Saint-Pierre en moins de 3 minutes et embrase la ville, ses habitants et les navires présents dans la rade. Tout le nord de l’île est touché par la catastrophe.

Seuls survécurent à Saint-Pierre deux individus : Léon Compère et Louis-Auguste Cyparis. Ce dernier  fut brûlé sur tout le corps, mais protégé par les épais murs de sa prison. En mer peu de navires ont pu fuir la fournaise. Le commandant du navire anglais Roddam déclara  « Nous venons des portes de l’Enfer ».

L’activité volcanique intense de la montagne Pelée continue pourtant après ce drame jusqu’en 1905 et une seconde éruption le 30 août 1902 fait plus d’un millier de morts.

Saint-Pierre avant l'éruption. La catastrophe de la Martinique : notes d'un reporter ; Jean Hess ; E. Fasquelle, Paris, 1902 - source : Galica-BnF
La catastrophe de la Martinique : notes d'un reporter ; Jean Hess ; E. Fasquelle, Paris, 1902 - source : Galica-BnF

Un écho médiatique immédiat proportionnel à la stupeur

Le Petit Journal. Supplément du dimanche, Paris, 25 mai 1902 - source : Gallica-BnF

La catastrophe est très vite connue en métropole grâce aux télégraphes, relayés par les médias français et étrangers impressionnés par son caractère inédit et soudain. Les journaux nationaux et régionaux en parlent dès le 10 mai 1902 le plus souvent, retranscrivant les télégrammes des autorités martiniquaises et métropolitaines, de la presse américaine et anglaise et des récits de survivants.

La presse métropolitaine dans son ensemble parle de « désastre », de « cataclysme » et de « catastrophe » et insiste essentiellement sur la dimension naturelle de l’événement. Les articles adoptent durant les premiers jours les mêmes modèles : le récit de l’éruption et de ses conséquences à travers les télégrammes, l’historique des catastrophes naturelles en Martinique et la présentation d’éruptions plus anciennes du Vésuve au Krakatoa. Rares sont les articles qui s’interrogent sur la prévisibilité de cette catastrophe et sur la responsabilité des autorités politiques. Le Gaulois interroge dès son édition du 10 mai un géologique de l’Institut pour commenter la catastrophe.

Les journaux relayent également l’élan de solidarité national et international. Le Siècle relaie la souscription publique instituée le 13 mai par le ministère des Colonies pour apporter une aide humanitaire à la population de l’île (17 mai 1902). Mais aucun deuil national n’est décrété et l’intérêt médiatique pour les conséquences de la catastrophe s’essouffle rapidement.

Le Petit Journal. Supplément du dimanche, Paris, 1er juin 1902 - source : Gallica-BnF

Evénement imprévisible ou risque sous-estimé par les autorités ?

Considérée comme exceptionnelle, cette catastrophe a été précédée de nombreux signes avant-coureurs dès 1900. L’activité volcanique était devenue très intense depuis le 22 avril 1902 (fumerolles, odeur de souffre, coulées de boue). D’autres volcans antillais sont entrés également en éruption dont la soufrière de Saint-Vincent qui a fait 2000 victimes.

Pourtant les autorités n’ont pas donné l’ordre d’évacuer le nord de l’île. Le gouverneur de la Martinique est accaparé par les élections législatives qui doivent avoir lieu le 11 mai et n’a pas conscience du risque, comme une partie de la société pierrotine, influencée par les articles rassurants diffusés dans Les colonies, principal journal martiniquais. Il faut dire que la dernière éruption en 1851 n’avait fait aucun mort et que le phénomène de coulées pyroclastiques est méconnu.

Cet événement dramatique a fait prendre conscience à la population et aux autorités publiques du risque volcanique mais aussi de son  caractère prévisible. L’évacuation du nord de l’île en octobre 1929 en est l’illustration. Le Journal annonce la création d’un observatoire de vulcanologie sur la Montagne Pelée pour étudier son activité (11 juin 1930). Les travaux du vulcanologue Alfred Lacroix, à partir de juin 1902, ont permis de définir le modèle de volcan peléen, dont les éruptions sont accompagnées par la construction d’un dôme à laquelle sont associées de violentes explosions dirigées latéralement. Elle marque ainsi la naissance de la vulcanologie comme science : elle suscite un engouement dans la presse scientifique puis quotidienne pour les catastrophes volcaniques et leurs explications.

Le Petit Journal illustré, Paris, 27 octobre 1929 - source : Gallica-BnF

Éruption de la montagne Pelée - 8 mai 1902 Programmes du CERIMES 

Le film met en cinématographie les documents photographiques de l'époque. Il montre une éruption avec ses prémices, son maximum et ses causes. Le mécanisme d'une nuée ardente précédée d'une onde de choc est plus précisément démontré, tant sur les bâtiments, que sur les hommes (29333 victimes) et sur la végétation. Le prototype d'une éruption péléenne, avec érection d'un dôme puis d'une aiguille, est analysé. 

Bibliographie 

 

Alfred Lacroix, La montagne Pelée et ses éruptions, Masson, Paris, 1904.


François Lebrun, « L'éruption de la montagne Pelée », in L'Histoire, 264 (avril 2002), p. 26-27.


Léo Ursulet, Le désastre de 1902 à la Martinique : l’éruption de la Montagne Pelée et ses conséquences, L’Harmattan, Paris, 1997.