Victor Hugo décrit ensuite l'Afrique comme une étendue quasi vierge, presque étrangère à toute humanité, une terre de « légende vaste et obscure » :
« De hardis pionniers se sont risqués, et, dès leurs premiers pas, ce sol étrange est apparu réel ; ces paysages lunaires deviennent des paysages terrestres. La France est prête à y apporter une mer.
Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie ; déserte, c’est la sauvagerie. »
Il conclut :
« Refaire une Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème. L’Europe le résoudra.
Allez, Peuples ! emparez-vous de cette terre. Prenez-la. À qui ? À personne. Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Où les rois apporteraient la guerre, apportez la concorde. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l’industrie ; non pour la conquête, mais pour la fraternité. (Applaudissements prolongés.)
Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! faites des routes, faites des ports, faites des villes ; croissez, cultivez, colonisez, multipliez ; et que, sur cette terre, de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté ! »
Au cours de sa vie, Victor Hugo s'exprima très peu sur le sujet. Conscient, à l'instar d'un Tocqueville, du caractère sanglant des conquêtes françaises en Afrique, il ne les condamna jamais ouvertement.
Il garda ainsi le silence sur la colonisation de l'Algérie, qui fut la principale aventure coloniale de son temps, et ne s'exprima pas davantage lorsque, deux ans après ce discours, en décembre 1881, la France fit conquête de la Tunisie.