Écho de presse

C'était à la une ! Quand Hô Chi Minh écrivait dans L'Humanité

le 15/12/2022 par RetroNews
le 26/09/2018 par RetroNews - modifié le 15/12/2022
« "L'Humanité" aux colonies », du 1er juin 1922 et portrait de Ho Chi Minh, en 1921 à Marseille - Source : RetroNews BnF et Wikicommons

La lecture du jour présente deux articles anticolonialistes du futur leader vietnamien, de passage en France entre 1918 et 1923. Nguyên Ai Quôc (soit Nguyên le Patriote en vietnamien) ne se fait pas encore appeler Hô Chi Minh lorsqu'il signe des chroniques pour le journal L'Humanité.

En partenariat avec "La Fabrique de l'Histoire" sur France Culture

Cette semaine : L'Humanité des 1er juin et 28 septembre 1922

 

Lecture Daniel Kenigsberg
Réalisation Marie-Laure Ciboulet
 

« « L’HUMANITÉ » AUX COLONIES

ÉGALITÉ !

Pour masquer la laideur de son régime d’exploitation criminelle, le capitalisme colonial découvre toujours son blason pourri avec la devise idéaliste : fraternité, égalité etc.

Or, voici comment ce champion d’égalité entend la mettre en pratique.

Dans le même atelier et pour le même travail, l’ouvrier blanc est plusieurs fois mieux payé que son frère de couleur.

Dans les administrations, les indigènes, malgré la durée de service et malgré l’aptitude reconnue, touchent un salaire de famine, tandis qu’un blanc nouvellement pistonné reçoit des appointements supérieurs en faisant moins de travail.

Des jeunes indigènes, ayant fait leurs études dans les facultés de la métropole et obtenu leur doctorat en médecine ou en droit, ne peuvent pas exercer leur profession dans leur propre pays s’ils ne sont pas naturalisés. (On sait combien de difficultés et d’humiliation un  indigène doit subir pour obtenir cette naturalisation.)

Arrachés de leur terre et de leur foyer, enrégimentés par force comme « volontaires », les indigènes militarisés ne tardent pas à savourer l’exquise signification de cette « égalité » fantomatique qu’ils défendent.

Au même grade, le gradé blanc est presque toujours considéré comme le supérieur du gradé indigène. Celui-ci doit le salut et l’obéissance à celui-là. Cette hiérarchie « ethno-militaire » est encore plus frappante lorsque des militaires blancs et des militaires de couleur voyagent ensemble sur un train ou sur un bateau. Prenons comme exemple le fait le plus récent :

Au mois de mai, le vapeur Liger, partant de France pour Madagascar, avaient 600 soldats malgaches à son bord. Les sous-officiers indigènes étaient entassés dans les cales, pendant que leurs collègues, les sous-officiers blancs, étaient confortablement installés dans les cabines classées.

Puissent nos frères de couleur, surchauffés par la chaudière, sinon par l’idéal, et réveillés par le bruit des hélices ou par la voix de leur conscience, réfléchir et comprendre que le bon capitalisme les considère et les considèrera toujours comme des simples olo maloto [« personnes sales » en malgache, NDLR].

N. A. Q. »

« INDO-CHINE

LE CABINET NOIR EN INDO-CHINE

L’« Humanité » du 13 septembre a relaté comment quatre ans après la guerre du droit, la censure postale est encore rigoureusement appliquée à Madagascar.

L’Indochine, sous M. Long, n’a rien à envier à Madagascar, sous M. Garbit, et les injustices, les mêmes abus, les mêmes scandales sévissent dans l’une comme dans l’autre.

Nous venons d’apprendre que l’administration des postes de la Cochinchine et la Sûreté ont reçu l’ordre de retenir et de ne pas laisser passer les plis, lettre, etc., qui seront adressés au journal « Le Paria », journal publié à Paris, ou qui parviendront de ce journal.

Comme par hasard, ce nouvel abus de pouvoir coïncide avec l’arrivée à Saïgon de l’administrateur faussaire Baudouin, et son brillant second, le gendre de M. Albert Sarraut, ministre des colonies.

D’autre part, l’inviolabilité de la correspondance privée n’est pas respectée, et l’administration continue à intercepter et à fouiller les lettres personnelles.

Alors qu’on tue et qu’on vole impunément les indigènes, ceux-ci n’ont même pas le droit le plus élémentaire : celui de correspondre ! Cette atteinte à la liberté individuelle vient ajouter un autre diadème sur la couronne de l’ignoble politique de mouchardage et d’abus qui règne dans nos colonies.

Nguyên Ai Quac »