En juin 1790, la Société des Amis des Noirs publie une Adresse aux amis de l'humanité [à lire sur Gallica], puis deux Adresses à l'Assemblée nationale, en février 1790 et mars 1791.
Du côté des opposants, la presse publie de multiples récriminations envers la Société émanant des esclavagistes. À partir de 1789, elle est en effet accusée par ses adversaires d'être responsable, par ses publications, des diverses révoltes et agitations d'esclaves qui ont lieu dans les colonies.
Ainsi cette lettre d'un colon de Saint-Domingue parue en février 1790 dans la Gazette nationale, et qui résume bien les craintes des esclavagistes, dont la moindre n'est pas de se retrouver décimés par leurs esclaves révoltés :
« Nous sommes dans les plus grandes craintes dans ce pays au sujet des nègres. Est-il possible que la Nation puisse demander leur liberté ? On veut donc renoncer aux colonies, à leurs produits, à la masse d'impôts qui en résulte pour la métropole [...] ? on veut donc mettre tous les colons à la mendicité, et les exposer à être tous égorgés ?
Si vos Amis des Noirs n'ont pas voué exclusivement tout leur attachement à cette partie de l'espèce humaine, leur humanité les engagera sans doute à jeter aussi un œil de pitié sur l'immense quantité de leurs concitoyens qui deviendraient la victime du zèle aveugle qui dirige leur société. »
Argument récurrent des esclavagistes : leurs esclaves ne sont pas si malheureux que le prétendent les abolitionnistes, moins, en tout cas, que nombre de paysans français vivant dans la misère, et les rendre à la liberté ne feraient qu'aggraver leurs peines – en plus de coûter cher aux colons.
C'est le sens de cette lettre virulente adressée par le député de la noblesse de Saint-Domingue Louis-Marthe Gouy d'Arsy à Brissot, principal animateur de la Société des Amis des Noirs, et publiée dans la Gazette nationale en janvier 1791 :
« Apprenez , J. P. Brissot, que les Noirs que vous chérissez, et qui vous pendraient à cent pieds en l’air si vous paraissiez à Saint-Domingue, n’ont jamais eu d’amis plus officieux, plus tendres, que mes collègues et moi-même ; que j’en porte 500 dans mon cœur ; que je les regarde comme mes enfants, et que j’avais pourvu à tous leurs besoins en santé, en maladie, dans tous les âges, avant de savoir qu’il existât au monde un Brissot, qui se déclarerait un jour leur inutile patron, comme Don Quichotte était celui des orphelins de la Manche.
Apprenez que cent mille créoles, en dépit des assertions fausses de nos philolophes à longue vue, s'étaient chargés du bonheur d'un million d’africains, avant que quelques esprits timbrés enfantassent dans leur cerveau creux le damnable projet qui, sous leurs auspices, s'exécute à présent dans nos îles, de faire égorger cent mille citoyens français, en égarant l'esprit faible d’un million d'ouvriers industrieux.
Apprenez que la misère et le besoin n’ont jamais été connus dans les colonies, par ce peuple noir qui ne saurait envier la prétendue félicité des mendiants qui couvrent nos campagnes, et qu’il n’appartenait qu’à la propagande de chercher à replonger ces infortunés dans la barbarie de leur pays natal […]. »