La fameuse « méritocratie » républicaine ne s'appliquait donc pas.
Non, en effet. Mais il y a eu certaines évolutions notables... Sous la IIIe République, les écoles régionales, qui étaient l'équivalent du collège, ont vu voir le jour, puis plus tard, après la seconde guerre mondiale, la France a développé un enseignement technique supérieur, notamment en AOF, pour répondre à une demande grandissante en personnels formés. Il fallait par ailleurs compenser la dette du sang car les tirailleurs sénégalais s'étaient courageusement battus sur les champs de bataille.
Une constante a cependant demeuré... L'école coloniale avait un fonctionnement schizophrénique. D'un côté, il ne fallait pas trop instruire par peur que les colonisés ne remettent en cause leur domination. De l'autre, il fallait donner satisfaction à ceux qui aspiraient à profiter de l'enseignement français par peur des mouvements de révolte. Il y a toujours eu l'école des Français, et ce deuxième réseau, l'école des Indigènes.
Peut-on dire qu’il s’agissait d’un système éducatif pratiquant la ségrégation ?
Oui, car c'était le cas. Et paradoxalement, la France ne voulait pas être accusée de cela. Rappelons qu'il faudra attendre les années 1950 pour que le principe de l'égal accès à l'éducation soit établi ; notamment parce qu'à partir des années 1910, les colonisés ont manifesté une frustration grandissante car ils n'acceptaient plus ce fonctionnement. Ils aspiraient au même enseignement.
Petit à petit, l'administration coloniale a desserré l'étau. Certains jeunes ont alors manifesté le désir d'aller faire des études universitaires en France, mais les bourses étaient accordées avec parcimonie et à la suite d’un examen implacable de chaque dossier. Ce fut le cas notamment pour Léopold Sédar Senghor, qui a pu devenir agrégé de grammaire après avoir étudié à la faculté des lettres de l'université de Paris. Mais pour cela, il a dû faire une demande de citoyenneté car il était considéré, en métropole, comme un « sujet » français.