En effet, le 7 octobre 1949, dans le bâtiment berlinois de la Commission économique allemande (Deutsche Wirtschaftskommission), l’ancien ministère de l’Aviation du Reich, le Conseil du Peuple allemand (Deutscher Volksrat) proclame le « Manifeste du Front national de l’Allemagne démocratique » et se mue en un parlement provisoire, la Chambre du peuple (Volkskammer), scellant ainsi l’acte de naissance de la RDA.
La presse communiste française insiste sur l’importance historique et politique que revêt pour elle cet événement. Ainsi, dans le quotidien communiste Ce soir du 9 octobre 1949, peut-on lire que cette Allemagne s’ancre dans une tradition démocratique par le choix symbolique de son drapeau :
« La séance historique de la Chambre Populaire s’est tenue dans les locaux de l’ancien ministère de l’Air allemand décoré du drapeau de la République de Weimar noir, rouge et or, qui avait été symboliquement orné de la colombe de la paix.
Plusieurs dizaines de journalistes étrangers étaient présents. »
En tant que second État allemand, qui plus est communiste, la RDA ne bénéficie que d’une légitimité relative. Le journal Ce soir insiste donc le 8 octobre sur son caractère démocratique et sa légitimité à représenter toute l’Allemagne :
« Le Conseil du Peuple Allemand, émanation du Congrès du Peuple élu les 15 et 16 mai dernier par huit millions de citoyens allemands, se réunit aujourd’hui à Berlin et se transformera en Chambre Populaire représentant l’ensemble de l’Allemagne. […]
M. Pieck a annoncé que des élections générales auront lieu en Allemagne, le 15 octobre 1950. »
La RDA fonde son existence en s’opposant à la fois au passé national-socialiste de l’Allemagne, par la revendication de l’antifascisme comme doctrine officielle, et à l’impérialisme qu’incarneraient les Occidentaux en occupant l’Allemagne et la privant ainsi de sa souveraineté.
C’est le discours officiel que l’on retrouve dans Ce soir. La RDA est présentée comme le vecteur de la réunification pacifique de l’Allemagne :
« [Wilhelm Pieck] a lu un manifeste du Front National réclamant notamment l’abolition de l’État de l’Allemagne occidentale, du statut de la Ruhr et de la Sarre, le retrait des troupes d’occupation de Berlin et la création d’un gouvernement démocratique allemand ayant Berlin pour capitale. […]
Tandis que naît à Berlin la République démocratique allemande, la propagande nazie n’éprouve plus le moindre besoin de se camoufler au Parlement de Bonn […]
Hier deux chefs du premier de ces partis néo-nazis avaient pu proclamer impunément au cours d’une conférence de presse qu’ils approuvaient le programme de Hitler […]. »