« Un témoin occulaire donne des détails sur les atrocités commises par les Allemands sur les Juifs polonais [...] au camp de Treblinka », La France Nouvelle, 11 août 1944
Après l’entrée dans Majdanek, d’autres camps sont découverts dans le processus de libération de la région. Le 16 août 1944, les Soviétiques pénètrent à Treblinka (le plus souvent nommé Tremblinka en russe).
L’écrivain Vassili Grossman, alors correspondant de guerre soviétique, découvre les lieux, eux aussi désertés par les Allemands et les prisonniers, qu’il aborde avec un total effroi :
« C'était ici le plus atroce des camps de la mort établis par les SS, qui dépassait en horreur Sobibor, Majdanek, Belzyce (Belzec) et Oswiencim. »
Dans son témoignage, « L’Enfer de Treblinka », publié en 1944 et qui circulera durant le procès de Nuremberg, l’écrivain décrit les traces terrifiantes de l’extermination :
« La terre rejette des fragments d’os, des dents, des objets, des papiers, elle refuse de garder le secret. Et des objets s’échappent de la terre, de ses blessures mal refermées.
Les voici, les chemises, les porte-cigarettes verdis, des rouages de montres, des canifs à tailler, des crayons, des blaireaux, des chandeliers, de petits souliers d’enfants avec des pompons rouges, des serviettes brodées ukrainiennes, des dentelles, des ciseaux, des dés, des corsets, des bandages […].
Soudain nous nous arrêtons. Des cheveux épais et ondulés blonds cuivrés, les cheveux fins et ondulés d’une jeune fille sont là, piétinés dans la terre, et à côté les mêmes boucles claires, et plus loin de lourdes nattes sur le sable pâle, et plus loin et encore et encore. C’est apparemment le contenu d’un sac, d’un unique sac de cheveux restés sur place, oublié.
Tout était donc vrai. »
Chaque camp pénétré semble attester pire que le précédent, comme le note Vassili Grossman, jusqu’à l’entrée dans Auschwitz, dont le général Petrenko affirme qu’il fut découvert par l’Armée rouge « presque par hasard » en janvier 1945, et qui surpasse à nouveau tout ce qui était jusque là connu…
Néanmoins, dans la mise au jour graduelle de l’entreprise génocidaire qui accompagne la traversée de la Pologne par les Soviétiques jusqu’à Berlin, la découverte de Majdanek fonde le discours matriciel de l’URSS sur les camps d’extermination.
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Catherine Gousseff est historienne, directrice de recherche au CNRS. Elle fait partie du Centre d’Études des mondes russes, caucasien et centre-européen de l’EHESS.