1941 : La fonte des statues
Pendant la Seconde Guerre mondiale, décision est prise par Pétain de fondre les statues pour pallier le manque de métaux non ferreux. La presse se veut rassurante.
1941, la France de Vichy est en pleine pénurie de métaux non ferreux, alors massivement utilisés pour la fabrication des douilles, canons et obus. En juillet, une grande campagne de récupération d'objets de tous les jours (ustensiles de cuisine, chaudrons, appliques ou encore bougeoirs) est lancée. L'État paie le plomb six francs le kilo et 30 francs pour le cuivre et ses alliages. Mais, malgré la propagande, les Français rechignent à l'effort demandé par le gouvernement et la collecte s'avère largement insuffisante.
Le 11 octobre 1941, le gouvernement de Vichy décrète :
"Il sera procédé à l'enlèvement des statues et monuments en alliage cuivreux sis dans les lieux publics et dans les locaux administratifs qui ne présentent pas un intérêt artistique ou historique."
La qualité artistique ou historique des statues en bronze est à l'entière discrétion du gouvernement et de ses commissions.
La presse, sous le joug de Vichy, se veut pourtant rassurante. Ainsi du journal local La Petite Gironde qui s'emploie à faire taire craintes et protestations :
"Voilà qui n’est pas nouveau. La Révolution l’a fait il y a cent cinquante ans. Et il me semble que cette mesure ne peut soulever aucune plainte, à condition que l’on ne prétende pas faire une discrimination politique ou artistique entre les monuments qui seront sacrifiés. Car si on envoie à la fonte telle statue parce qu’elle rappelle un personnage qui a cessé de plaire ou parce qu’on la juge mal venue, on ouvrira la porte aux récriminations passionnées. [...] Le seul moyen pour eux d’éviter cet outrage est d’envisager uniquement la qualité du métal."
Sur un ton mordant, Le Journal des débats se félicite de la disparition des "navets" parisiens :
"Les navets de bronze qui enlaidissent Paris iront plutôt à la fonte. « Les statues de bronze qui déparaient nos avenues sont enfin déboulonnées ; une première charrette de 32 condamnés », telle est l'oraison funèbre que consacre la Capitale à ses statues marquées par le destin."
Quelques mois après l'entrée en vigueur de la loi, les dépêches officielles, reprises par la presse, assurent de l'impartialité présidant au choix des statues détruites.
"Elle [cette mesure] ne devait évidemment toucher que des statues d'une valeur discutable, toutes les précautions ayant été prises pour que soient respectés les monuments possédant pour le pays un intérêt artistique ou historique certain", écrit ainsi Le Petit Journal :
"Dans chaque département aussi, ces listes ont été soumises à une commission composée de personnalités compétentes choisies par les Beaux-Arts, qui, pour chaque statue, donne son avis sur l'opportunité de l'enlèvement ou du maintien en place."
Pour autant, la décision sème craintes et protestations de par la France. Ainsi, rapporte Le Temps, "l'enlèvement des statues de bronze rendu nécessaire par la pénurie de matières premières a ému certaines collectivités" :
"Pour les rassurer, le gouvernement a décidé de procéder toutes les fois que les municipalités ou les groupements intéressés en feront la demande au remplacement des statues métalliques par des statues de pierre, après avis du représentant du secrétariat général des Beaux-Arts dans les commissions départementales."
Cent cinq statues de bronze dont soixante-cinq statues de grands hommes seront détruites, principalement celles érigées sous la IIIe République. Ainsi, Charles Fourier (utopiste socialiste), comme de nombreux autres, a disparu de la place de Clichy. Les cloches et les statues religieuses seront, elles, épargnées par Vichy.