Écho de presse

1945 : De Gaulle rend hommage à la France et aux résistants

le 26/10/2018 par Pierre Ancery
le 22/11/2017 par Pierre Ancery - modifié le 26/10/2018
L'Aube, 16 mai 1945 ; source RetroNews BnF

Le 15 mai 1945, le général de Gaulle prononce un vibrant discours sur l'unité nationale à l'Assemblée consultative provisoire.

15 mai 1945. Une semaine après la capitulation de l'Allemagne, c'est dans une atmosphère de recueillement collectif que le général de Gaulle apparaît dans l'enceinte de l'Assemblée consultative provisoire, qui réunit des représentants de la Résistance et d'anciens parlementaires.

 

L'ex-chef des Forces françaises libres, désormais chef du Gouvernement provisoire, va y prononcer un discours solennel et vibrant, à la fois bilan de la guerre et plaidoyer pour l'unité nationale. L'Aube, qui titre l'édition du demain « Heures d'unanimité nationale », retranscrit son allocution :

 

« La Victoire est aux dimensions de la guerre. L’Allemagne, entraînée jusqu’au fanatisme dans le rêve de la domination, avait fait en sorte que matériellement, politiquement, moralement, la lutte fût une lutte totale. Il fallait donc que la Victoire fût une Victoire totale. Cela est fait. En tant qu’État, en tant que puissance, en tant que doctrine, le Reich allemand est complètement détruit. Une fois de plus, il est prouvé que pour un peuple, si résolu et puissant qu'il soit, l'ambition effrénée de dominer les autres peut arracher des succès plus ou moins éclatants et plus ou moins prolongés, mais que le terme est l’effondrement. »

 

Revenant ensuite sur le déclenchement du conflit, il évoque le rôle joué par « l'instinct national » lorsque la France déclara la guerre à l'Allemagne après l'invasion de la Pologne :

 

« Une chose est certaine : la France a joué dans cette guerre son existence en tant que nation et jusqu'au destin physique et moral de chacun de ses enfants, mais elle a gagné la partie [...]. Ni le malheur militaire, ni la faillite des institutions, ni le mensonge, ni la violence n'ont pu faire taire l'instinct national, ni détourner notre peuple de son éternelle vocation. Dès le 3 septembre 1939, nous avons tiré l'épée, seuls avec l’Angleterre pour défendre le droit violé sous les espèces de la Pologne. [...]. Nous l'avons fait sans passion de conquêtes, sans fureur de revanche, sans affolement de vanité. Nous l'avons fait parce que nous avons répondu à la loi éternelle qui fait de nous l’avant-garde d'une civilisation fondée sur le droit des peuples et le respect de la personne humaine. »

 

Il revient sur la défaite de 1940 et ses conséquences :

 

« Dans un tel anéantissement il ne lui restait plus, pour combattre et pour vaincre, que les forces profondes et spontanées de son peuple. Il s’agissait de savoir si à partir de rien, ayant contre elle non seulement l'ennemi avec ses pompes et ses œuvres, mais encore toute l'autorité usurpée, certes, mais peinte aux couleurs de la loi, elle verrait, ou non, sourdre de ses entrailles une source capable de la maintenir dans la lutte et de refaire, au fond de l'abîme, l’État, la force, l’unité nationale. En vingt siècles d’une existence traversée par d'immenses douleurs, la patrie n’avait jamais connu une situation semblable. »

 

Puis de Gaulle rend un hommage ému aux combattants des FFL et aux résistants morts dans la lutte :

 

« Soldats tombés dans les déserts, les montagnes ou les plaines, marins noyés que bercent pour toujours les vagues de l'océan, aviateurs précipités du ciel pour être brisés sur la terre, combattants de la résistance tués aux maquis et aux poteaux d'exécution, vous tous qui à votre dernier souffle avez mêlé le nom de la France, c'est vous qui avez exalté les courages, sanctifié l'effort, cimenté les résolutions. Vous fûtes les inspirateurs de tous ceux et de toutes celles qui par leurs actes, leur dévouement, leurs sacrifices ont triomphé du désespoir et lutté pour la patrie. Vous avez pris la tête de l'immense et magnifique cohorte des fils et des filles de la France, qui ont, dans les épreuves, attesté sa grandeur ou bien sous les rafales qui balayaient les champs de bataille, ou bien dans l'angoisse des cachots, ou bien au plus fort des tortures des camps de déportation. »

 

Avant de conclure :

 

« Si dans une guerre qui commença par un désastre effrayant, la France est parvenue à l'emporter côte à côte avec ses puissants alliés, elle n'en mesure pas moins avec une lucidité entière toute la profondeur de l'abîme dont elle sort, toutes les fautes amères, les siennes et celles des autres, qui l'y avaient précipitée, tous les hasards exceptionnels qui l'en ont à la fin tirée [...].

 

Jetant les yeux sur le passé, elle voit ce que lui ont coûté ses illusions, ses divisions, ses faiblesses. Regardant le présent, elle mesure les atteintes qu'a subies sa puissance. Se tournant vers l'avenir, elle discerne le long et dur effort qui seul peut la rendre assez forte, fraternelle et nombreuse pour assurer son destin dans un monde en pleine gestation, et par là-même lui permettre de jouer pour le bien de l'humanité un rôle dont il est trop clair que l'univers ne se passerait pas. En un mot, le terme de la guerre n’est pas un aboutissement. Pour la Quatrième République, il n’est qu'un point de départ. En avant donc pour l'immense devoir de travail, d'unité, de rénovation ! Que notre nouvelle Victoire marque donc notre nouvel essor ! »

À l'issue de ce discours, toute l'Assemblée se lève et ovationne de Gaulle, avant de reprendre la Marseillaise en chœur.

Il faudra attendre septembre 1945 pour que la capitulation du Japon marque la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le général de Gaulle, quant à lui, démissionnera du Gouvernement provisoire le 20 janvier 1946.