Écho de presse

1812 : Napoléon face à l'incendie de Moscou

le 26/04/2021 par Pierre Ancery
le 11/02/2018 par Pierre Ancery - modifié le 26/04/2021
La prise de Moscou, estampe, 1812 - source : Gallica-BnF

La prise de Moscou s'annonçait comme une grande victoire pour Napoléon. Mais plutôt que de se rendre, les Russes préfèrent incendier leur ville.

Septembre 1812. La campagne de Russie bat son plein. Le 7, l'armée française, menée par Napoléon, gagne la bataille de la Moskova. Les Français sont aux portes de Moscou et rien ne semble devoir les arrêter : dans la presse de l'époque, on se félicite de ce qui s'annonce comme une grande victoire.

 

La Gazette de France publie par exemple cette lettre confiante, écrite par un officier de la Grande Armée :

 

« L’ennemi continue sa retraite. Le gros de son armée est assez loin de nous ; mais nous touchons à son arrière-garde, forte, dit-on, de 40 000 hommes. Nous suivons tous la direction de Moscou. S’il ne juge pas à propos de s’arrêter, il y entrera et nous y entrerons ensuite. S’il s’arrête, il n’y entrera point et nous y entrerons [...].

 

La consternation est dans la capitale des Russes, la désunion entre les chefs de leur armée, l’indécision dans leurs conseils et le découragement dans leurs troupes, qui ne voient qu’une fuite dans ce que leurs chefs appellent une retraite. Encore quelques mois, quelques jours peut-être, et cet Empire aura perdu sans retour l’influence que lui donnait, sur les affaires générales, sa réputation militaire.

 

Voilà une retraite qui compromet déjà bien cette réputation : l'Empereur aura fait voir à l'Europe ce que c'était au juste que ce colosse du Nord. »

 

L'armée russe se replie en abandonnant sa capitale : le 14 septembre, Napoléon entre à Moscou sans avoir à se battre.

 

Mais une surprise l'attend : la ville est déserte. Son gouverneur Fédor Rostopchine (père de la comtesse de Ségur, l'auteure des Malheurs de Sophie) a fait enlever toutes les provisions et a chassé tous les habitants dans les forêts alentour. De plus, il a fait libérer des prisonniers russes de droit commun, leur donnant pour mission, en échange de leur liberté... d'incendier la ville.

 

Le 3 octobre, Le Moniteur universel donnera des détails dans son Bulletin de la Grande Armée (écrit à Moscou et daté du 16 septembre) :

 

« Notre avant-garde, arrivée au milieu de la ville, fut accueillie par une fusillade partie du Kremlin […]. Des forcenés ivres couraient dans les quartiers, et mettaient le feu partout. Le gouverneur Rostapchin [sic] avait fait enlever tous les marchands et négociants par le moyen desquels on aurait pu rétablir l'ordre [...].

 

Il avait eu la précaution de faire enlever les pompiers avec les pompes : aussi l'anarchie la plus complète a désolé cette grande et belle ville, et les flammes la consument. »

 

Napoléon, installé au Kremlin, assiste impuissant au ravage de Moscou, essentiellement construite en bois. Les soldats ne parviennent pas à éteindre les feux, lancés de multiples endroits et sans cesse renouvelés.

 

Le Moniteur universel, publiant le Bulletin de la Grande Armée du 17 septembre, décrit la destruction de Moscou en termes apocalyptiques :

 

« Moscou, une des plus belles et des plus riches villes du monde, n'existe plus [...]. C'était un océan de flammes [...]. Trente mille blessés et malades russes ont été brûlés [...]. C'est le crime de Rostopchin [sic]. »

 

Le Journal de l'Empire ajoute :

 

« Si jamais quelqu'un avait pu mettre en doute l'affreuse barbarie des Russes, la manière dont ils se conduisent dans leur propre pays la ferait mieux connaître que tout ce qu'on a imprimé sur les mœurs de ces peuples féroces.

 

Vaincu par nos armes, ils se vengent de leurs défaites en brûlant les villes qu'ils n'ont pu garder. Les femmes, les enfants, les vieillards, leurs propres blessés même sont les victimes de leur rage insensée et de leur orgueil brutal. »

 

 

Le 20 septembre, les 9/10e de la ville sont en cendres. « J'ai vaincu des armées, mais je n'ai pu vaincre les flammes », dira l'empereur dans Le Mémorial de Sainte-Hélène.

 

Occupant une ville en ruines et attendant en vain la capitulation russe, Napoléon n'a d'autre choix, malgré l'hiver précoce, que de battre en retraite. Le maréchal Mortier, sur son ordre, fait sauter les tours du Kremlin (depuis reconstruites à l'identique). Le 23, l'armée française quitte Moscou pour rentrer en France.

 

Ce sera le début de la désastreuse retraite de Russie, menée dans un froid épouvantable. Aboutissant au quasi-anéantissement de la Grande Armée, elle constitue peut-être le plus grand revers jamais infligé à Napoléon.

Notre sélection de livres

Relation de la campagne de Russie (1812-1813)
Armand Cornereau
Campagne de Russie - 1812
Alfred Assollant
Les Français en Russie - Souvenirs de la campagne de 1812
J.-J.-É. Roy
Lettres sur l'incendie de Moscou
Adrien Surugue