Écho de presse

L’histoire de « Cher Ami », pigeon médaillé de guerre

le 13/05/2021 par Priscille Lamure
le 08/06/2018 par Priscille Lamure - modifié le 13/05/2021
Le pigeon Cher Ami, décoré de la Croix de Guerre pour ses prouesses durant la Première Guerre mondiale, entre les mains d'un officier américain, Le Miroir, 1918 - source : RetroNews-BnF

En 1918, le pigeon voyageur « Cher Ami » est récompensé pour ses hauts faits d’armes durant la Première Guerre mondiale : ayant sauvé de nombreuses vies humaines, il est décoré de la Croix de Guerre américaine.

Dès le début de la Première Guerre mondiale, les pigeons voyageurs sont utilisés comme agents de liaison par l’armée sur les champs de bataille. Ces intelligents volatiles s’avèrent en effet d’une grande utilité pour transporter rapidement des messages, surtout lorsque les fils téléphoniques ont été rompus par les bombardements, rendant impossible toute communication entre les lignes de feu et l’arrière.

En plein cœur du conflit, ces oiseaux sont à même d’agir avec une grande autonomie :

« Les pigeons s’habituent au tonnerre des canons et, dans une forte proportion, regagnent le colombier automobile d’où un motocycliste les avait emportés dans un panier. »

Mais quoique de nombreux pigeons se soient distingués au cours de la Grande Guerre, le dénommé « Cher Ami » demeure certainement le plus célèbre.

Offert par des pigeonniers britanniques et formé par des entraîneurs américains, ce pigeon-soldat appartenait à l’United State Army Signal Corps, une unité de l’armée américaine spécialisée dans les systèmes d’information et de communication militaire. Il est connu pour avoir assuré la livraison de douze messages de la plus haute importance dans le secteur de Verdun, mais surtout, d’avoir directement sauvé un bataillon entier de soldats américains.

En effet, lors de l’offensive Meuse-Argonne, en octobre 1918, le major Charles Whittlesey et environ 550 soldats de la 77e division d’infanterie américaine se retrouvent isolés du reste de leur régiment en pleine forêt de l’Argonne. Le bataillon est cerné par les Allemands, à quelques mètres des lignes ennemies, sans nourriture ni munitions. Pire encore, ils commencent à être la cible de tirs amis, ciblés par des troupes alliées américaines qui ignorent leur position.

S’ils ne veulent pas être décimés par leurs propres frères d’armes, ils doivent à tout prix rétablir la liaison.

Des volontaires se proposent, tous sont tués au fur et à mesure qu’ils tentent de franchir la ligne des tirailleurs ennemis. Un premier pigeon est alors envoyé, porteur du message : « Beaucoup de blessés. Nous ne pouvons pas évacuer. » Il est abattu. Un second, dont le message indique : « Les hommes souffrent. Pouvons-nous avoir un soutien ? » subit le même sort. La situation semble désespérée et sur les 550 soldats du bataillon du colonel Whittlesey, il ne reste plus que 194 survivants au bout de cinq jours.

C’est alors que Cher Ami entre en scène, comme le rapporte Le Miroir :

« Un pigeon baptisé “Cher Ami”, un pigeon voyageur au plumage bleu ardoise et blanc, est retrouvé sur un cadavre américain.

Vite, un message à la patte et “Cher Ami”, après quelques hésitations sur la direction à prendre, s’envola à tire d’ailes, sous le feu des mitrailleuses ennemies. »

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Le message qu’il transporte avec lui est le suivant : « Nous sommes le long de la route parallèle au 276.4. Notre propre artillerie fait un tir de barrage sur nous. Pour l’amour du ciel, arrêtez ! »

Dès qu’il prend son envol au-dessus des feuillages, repéré par l’artillerie allemande, Cher Ami devient la cible de nombreux tirs. Il est touché à la poitrine et à l’œil, puis un éclat d’obus lui arrache une partie de la patte droite à laquelle est attaché son message et qui ne tient plus que par un tendon. Les soldats américains, dont Cher Ami incarne le dernier espoir, le voient tomber à terre, blessé, puis se redresser et reprendre son vol pour porter vaille que vaille son message.

Après avoir parcouru vingt-cinq kilomètres en vingt-cinq minutes, le vaillant pigeon arrive au quartier général de la division et, chancelant, remet son précieux billet. Aussitôt, des troupes sont envoyées pour secourir les 194 soldats rescapés du bataillon américain qui, sans l’aide de Cher Ami, n’auraient pas survécu.

Par miracle, Cher Ami survit à ses blessures. Les médecins de l’armée n’ayant pu sauver sa patte sectionnée, on équipe l’oiseau d’une prothèse en bois pour lui permettre de remarcher sans trop boiter.

Il est ensuite présenté au général Pershing qui le décore, pour récompenser sa grande bravoure, de Feuilles de Chêne. Il est ensuite décoré de la Croix de Guerre avant d’être envoyé, par paquebot, à Washington, afin d’y jouir d’une retraite bien méritée.

Décédé le 13 juin 1919, Cher Ami a été naturalisé et son corps est aujourd’hui conservé à la Smithsonian Institution, aux États-Unis.

En 1936 en France, un monument commémoratif fut dédié aux 20 000 pigeons morts pour la patrie.

« Au Rond-Point de la Citadelle de Lille, se dresse le monument élevé pour commémorer les services rendus par les pigeons voyageurs durant la Grande Guerre et la mémoire des treize colombophiles des régions envahies fusillés par les Allemands pour avoir gardé leurs pigeons malgré leur défense. »