Écho de presse

1943 : l’invraisemblable évasion de Mussolini

le 05/02/2021 par Arnaud Pagès
le 18/06/2018 par Arnaud Pagès - modifié le 05/02/2021
Portrait de Bénito Mussolini dans L'Écho d'Alger, 1926 - source : RetroNews-BnF

Emprisonné dans le massif montagneux du Gran Sasso suite à sa destitution par le Grand Conseil fasciste, Mussolini est libéré par un commando SS lors d'une rocambolesque opération militaire.

Le 12 septembre 1943 en début d'après-midi, après avoir minutieusement préparé leur opération, les parachutistes allemands du premier bataillon Fallschimjäger, appuyés par l'unité de commandos Waffen-SS Friedenthal, se posent en planeur près du Campe Imperatore, où est incarcéré depuis plusieurs semaines le chef d’État italien réprouvé Bénito Mussolini.

Leur mission : libérer le Duce sans que les gardes affectés à sa surveillance ne tirent un seul coup de feu, puis l'exfiltrer immédiatement vers l'Allemagne.

Selon Hitler, le sort de la Seconde Guerre mondiale est en jeu.

Le 14 septembre, dans un article intitulé « Le Führer a préparé lui-même l'évasion de Mussolini », le journal devenu collaborationniste Le Matin relate avec enthousiasme ce qu’il considère comme un coup de maître :

« La libération de Mussolini a été une entreprise qui n'a demandé qu'un temps extrêmement court.

Les nombreux carabiniers et soldats de Badoglio qui devaient surveiller le Duce dans une maison isolée dans les montagnes, n'ont même pas eu le temps d'esquisser un geste de défense. […]

Les libérateurs ont amené le Duce au plus proche aérodrome allemand d'ou une voiture rapide allemande l'a emmené vers un séjour à l'abri de toute surprise. »

Cette situation aurait été encore impensable quelques mois plus tôt. Mais depuis le mois de juillet 1943, les affaires du Duce vont mal. Maître de l'Italie depuis 1922, son alliance avec Hitler a eu pour principal résultat d'entamer fortement sa crédibilité en tant que chef de guerre.

En effet, en accumulant les défaites militaires, ses troupes, incapables  de s'imposer face à des ennemis souvent inférieurs en nombre et moins bien équipés, ont fait montre de leur incompétence dans le cadre d’une guerre moderne. Le principal allié du Führer est donc devenu au fil du temps son valet, reléguant l'Italie dans un second rôle humiliant.

Plus grave encore, les soldats de la VIIe armée américaine du général Patton, soutenue par le VIIIe armée britannique dirigée par le général Montgomery, ont débarqué le 10 juillet à Cap Passero, en Sicile, en vue d'envahir l'Italie, alors même que le Duce avait affirmé à plusieurs reprises qu'un tel scénario était impossible. Le 16 juillet, Churchill et Roosevelt lancent un appel à tous les Italiens épris de liberté afin qu'ils renversent le régime fasciste.

C'est dans ce contexte que, le 25 juillet 1943, Mussolini demande à s’entretenir avec le roi d’Italie Victor Emmanuel III. Mais ce dernier a déjà anticipé cette entrevue – et ne compte pas y participer.

Alors stupeur et indignation, Mussolini apprend qu'il est remplacé sur le champ par le maréchal Badoglio. Il est immédiatement arrêté par les carabiniers. En outre la veille, le Grand Conseil fasciste a voté sa destitution par neuf voix contre sept.

Article au sujet de la destitution de Mussolini dans Le Petit Marseillais du 30 juillet 1943 - source : RetroNews-BnF

D'abord incarcéré dans différents endroits afin de brouiller les pistes, il est finalement emprisonné sous bonne garde au Campo Imperatore, un hôtel désaffecté situé dans la région montagneuse du Gran Sasso, réputée inaccessible, en plein centre de l'Italie.

Pour Hitler, c'est une très mauvaise nouvelle. Son allié historique n'est plus là pour empêcher les Alliés d'entamer la reconquête de l'Europe continentale et, depuis l'Italie, de remonter jusqu'en Allemagne.

Le Führer ordonne alors lui-même l’expédition militaire pour libérer Mussolini. Pour les Alliés, c'est un coup de massue. La nouvelle fait grand bruit et donne lieu aux spéculations les plus folles.

Paris-Soir se fait l'écho de l'une d'elles dans son édition du 15 septembre :

« Mussolini devait être exilé à Sainte-Hélène.

– Algesiras, 14 septembre. Selon nos informations, des préparatifs avaient été faits à Sainte-Hélène pour l'arrivée d'un nouveau prisonnier dont le nom était soigneusement caché. Il en ressort que Mussolini devait y être exilé.

La garde de M. Mussolini pendant sa captivité était composée d'un détachement de carabiniers. Ceux-ci avaient reçu l'ordre de tuer immédiatement le captif en cas de tentative de libération. En dépit de cet ordre, le Duce n'a pas été blessé lors de l'intervention des SS et des parachutistes venus à son secours. »

Mais très vite, les affaires reprennent pour le dictateur déchu. À peine libéré, Mussolini pense en effet à reconquérir le pouvoir dans une Italie qui lui tourne pourtant définitivement le dos, comme le relate le très collaborationniste Le Petit Troyen dans son édition du 15 septembre.

« Lundi, il a commencé à s'informer en détail de la situation en Italie et des développements militaires. Pendant sa captivité, on lui avait interdit, sur l'ordre de Badoglio, la lecture des journaux et l'usage de la radio.

Comme il est naturel, des fascistes en renom, anciens membres du gouvernement, ont cherché au plus vite à prendre contact avec le Duce. Après clarification des questions préliminaires, Mussolini formera son gouvernement des fascistes les plus capables et les plus énergiques qui ont échappé à la déportation en Sicile.

Le nombre de ces hommes en vue s’accroît constamment, du fait qu’au cours de rapides incursions, surprenant autant les troupes de Badoglio que celles des Anglo-Américains, il a été possible de libérer encore d’autres personnalités importantes. »

Mais bien sûr, Mussolini ne parviendra jamais à diriger à nouveau l'Italie.

L'éphémère république socialiste de Salo, qu'il a créé, ne débouchera sur aucun projet politique concret. Il finira exécuté par des résistants le 29 avril 1945, avant que son corps sans vie ne soit livré à la foule.

Le lendemain, son libérateur se suicidait avec Eva Braun, dans son bunker berlinois.