Écho de presse

3 novembre 1918 : les mutineries de Kiel, début de la fin de l'empire allemand

le 22/11/2018 par Marina Bellot
le 05/11/2018 par Marina Bellot - modifié le 22/11/2018
Manifestation des marins pour la paix de Kiel le 4 novembre 1918 - source : Deutsches Bundesarchiv-Domaine public
Manifestation des marins pour la paix de Kiel le 4 novembre 1918 - source : Deutsches Bundesarchiv-Domaine public

Exténués par la guerre, les marins allemands du port de Kiel s'insurgent le 3 novembre 1918. Ils ouvrent la voie à un mouvement révolutionnaire face auquel l'empereur Guillaume II n'aura d'autre choix que d'abdiquer. 

Le 3 novembre 1918, une mutinerie éclate à Kiel, un important port militaire allemand sur la mer Baltique.

L'étincelle qui a mis le feu aux poudres est intervenue quelques jours plus tôt : le 28 octobre 1918, alors même que l'armistice était déjà en cours de négociation, l'Amiral Reinhard Scheer a donné aux marins l’ordre d'affronter la Royal Navy britannique « pour restaurer l'honneur » de l’Allemagne.

Exténués par cette guerre qui n’en finit pas, révoltés par la pénurie de vivres et les mauvais traitements infligés par les officiers, marins et ouvriers du port de la ville de Kiel s'insurgent. 

Le 6 novembre, le correspondant du Petit Journal se fait l’écho, dans un mince entrefilet, de « désordres graves » survenus dans la ville de Kiel, rapportant ce qu'on lit alors dans la presse allemande : 

 « La Gazette de Francfort annonce que des désordres graves eurent lieu dimanche à Kiel.

La foule voulut délivrer des marins de la troisième escadre emprisonnés pour mutinerie. La troupe intervint. Il y eut 8 morts et 29 blessés. » 

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Le mouvement s'embrase et gagne plusieurs villes, notamment Berlin, où plusieurs conseils d'ouvriers se forment avec pour mot d'ordre la fin immédiate de la guerre et la proclamation de la République.

Le 9 novembre, le conservateur Journal donne des « détails nouveaux et précis » sur les mutineries de Kiel :

« Trois ou quatre compagnies d'infanterie rejoignirent Kiel et participèrent immédiatement au mouvement. Une des compagnies a été désarmée.

Pendant la nuit, des hussards ont été envoyés de Wandsbek, mais, à une lieue de Kiel, ils ont rencontré des marins avec des mitrailleuses et ont dû rebrousser chemin.

Le gouverneur, l'amiral Souchon, a été conduit à la gare du chemin de fer et a été gardé comme otage.

Le contrôle des vivres est entre les mains du conseil des ouvriers. Des mitrailleuses sont en batterie en différents points de la ville, mais les citoyens peuvent circuler librement. »

Le Journal rapporte ensuite la fuite précipitée du frère du kaiser, le prince Henri de Prusse, et ses étonnantes interactions avec les insurgés :

« Le prince quitta la ville dans une automobile sur laquelle flottait un drapeau rouge. Lui-même portait un brassard rouge. 

Le prince se trouvait à un kilomètre à peine de Kiel, filant à toute vitesse, lorsqu'il croisa un groupe de cinq marins qui l'obligèrent à s'arrêter. Deux de ces marins lui demandèrent à monter sur le marchepied de l'automobile jusqu'à la ville voisine. Le prince consentit et poursuivit sa route dans ces conditions, mais après avoir parcouru quelques centaines de mètres, il décocha deux vigoureux coups de poing dans la figure des marins qui, surpris, perdirent l'équilibre et roulèrent sur la route. 

Les trois autres marins, témoins de cette scène, tirèrent immédiatement des coups de feu contre l'automobile princière, qui poursuivit sa route à toute vitesse. On ne sait pas si le prince a été blessé. »

Le même jour, Le Gaulois se fait plus précis encore : le kaiser lui-même serait désormais acculé à l'abdication par son propre camp.

« La situation en Allemagne a rapidement empiré depuis quelques jours. [...]

Débordés par les événements qui se sont déroulés ces derniers jours dans les ports, talonnés par les socialistes qui, en Bavière, paraissent avoir décidément pris la tête du mouvement, se rendant compte que même dans la presse bourgeoise les voix se font de plus en plus pressantes en faveur de l'abdication, les socialistes du gouvernement se sont enfin décidés à adresser au prince Max de Bade l'ultimatum que l'on connaît. [...]

Pour éviter la propagation de ces nouvelles, toutes les communications télégraphiques et téléphoniques sont coupées, d'ordre du gouvernement de Berlin, entre l'Allemagne et la Hollande, et, en partie, entre l'Allemagne et les pays scandinaves.

Suivant des informations reçues à La Haye, le palais impérial de Berlin est l'objet d'une surveillance étroite. Il est entouré d'un rang de fantassins armés jusqu'aux dents, derrière lesquels se trouve un autre rang formé de uhlans et un troisième rang comprenant des mitrailleuses. À chaque porte, des canons. »

Dans cette atmosphère de défaite inévitable, les rois de Saxe et de Bavière abdiquent le 9 novembre, suivis par toutes les autres maisons royales de l'Empire allemand. Sous la pression des parlementaires, Guillaume II n'aura bientôt d'autre choix que de consentir à quitter le pouvoir.

Pour en savoir plus :

Georges Castellan, La Révolution allemande de novembre 1918 (« Novemberrevolution »), in : Revue d'histoire moderne et contemporaine, 1969

Gerd Krumeich, La République de Weimar et le poids de la Grande Guerre, 2004

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