Écho de presse

1879 : Anglais et Zoulous s'affrontent en Afrique australe

le 02/02/2019 par Arnaud Pagès
le 17/01/2019 par Arnaud Pagès - modifié le 02/02/2019
« La Bataille d'Isandhlwana », par Edwin Fripp, 1885 - source : WikiCommons
« La Bataille d'Isandhlwana », par Edwin Fripp, 1885 - source : WikiCommons

Afin d'étendre leur influence dans le sud du continent africain et de concurrencer les Boers hollandais implantés dans la République du Transvaal, les Britanniques déclarent la guerre, à la fin de l'année 1878, à Cettiwayo, roi des Zoulous.

À la suite de plusieurs exactions commises contre des Anglais implantés sur le territoire zoulou, Henry Bartle Frere, Haut-Commissaire de la couronne britannique, adresse, le 11 décembre 1878, un ultimatum au roi des Zoulous, Cettiwayo. Dans un courrier, il lui demande expressément de dissoudre son armée et de payer une forte amende à l’empire.

Le roi ne répond pas. Dans le Zululand – territoire qui faisait jusqu’alors partie du Transvaal, dominé par les Boers –, la guerre entre Britanniques et Zoulous semble dès lors inévitable. Elle éclate un mois plus tard.

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Et les premiers affrontements ne tournent pas à l'avantage des troupes britanniques ; peu nombreuses et insuffisamment coordonnées, elles ont du mal à contrer la redoutable armée zouloue. Celle-ci fut crée au début du XIXe siècle par Chaka, fondateur du royaume zoulou. En 1879, elle compte plus de 55 000 hommes répartis en 33 régiments. Les batteries sont composées de guerriers expérimentés et disciplinés, équipés de fusils, qui en sus, possèdent une parfaite connaissance du terrain.

Le 22 janvier 1879, les soldats de Sa Royale Majesté connaissent leur plus lourde défaite sur le sol africain lors d’une bataille restée célèbre à Isandhlwana : l’armée perd plus de 1 000 combattants. Six régiments en sortent décimés, ainsi que de nombreuses troupes auxiliaires. C'est un carnage.

Le 29 janvier, le journal catholique L’Univers rapporte avec malice les probables – aucune dépêche ne parvient encore à l’Europe, les autorités britanniques se refusant à dévoiler publiquement le camouflet – difficultés des régiments britanniques perdus dans les vallées du Transvaal :

« L'Angleterre a maintenant une seconde “petite” guerre sur les bras. […]

Comme ce chef, nommé Cetyvayo, n'est pas le premier sauvage venu, qu'il est actif, intelligent, ambitieux, et qu'il a derrière lui un chiffre respectable de guerriers dont, au besoin, on pourrait faire une armée de 40 000 hommes, le gouvernement des possessions anglaises de l'Afrique méridionale s'est cru obligé de prendre ses précautions sur la frontière. […]

N'oublions pas de dire que cette crise africaine, comme la guerre de l'Afghanistan, a été amenée par la négligence et les fautes de la précédente administration. Du moins quelques journaux anglais le reconnaissent, et, d'après leurs aveux dans cette querelle, ce n'est pas Cetyvayo qui a tous les torts ; au contraire. »

Quelques heures plus tard, les Anglais sont à nouveau bousculés lors de l'embuscade de Rorke's Drift ; 104 soldats britanniques ont été contraints de se retrancher dans une ferme, où ils résistent, seuls, aux assauts de quelque 4 000 guerriers zoulous.

À Londres, c'est la stupeur. Les Anglais ne se sont jamais attendus à connaître pareil revers. Au moment où leurs soldats sont « embourbés » dans une guerre qui s’annonçait gagnée d’avance, Le Globe revient sur la volonté d'en découdre qui s'empara de l’Angleterre entière lorsque le pays apprit que ses soldats venaient d’être ridiculisés :

« Quelle contraste avec ce que l'on attendait de l'action combinée de tous les efforts, quand la nouvelle du désastre d'Isandhlwana se répandit par toute l'Angleterre !

Vous vous souvenez de la surexcitation qui s'empara tout à coup de tous les esprits, on allait, on venait, on envoyait dépêches sur dépêches, on annonçait le départ immédiat des troupes.

Il me semble entendre les cris enthousiastes de la population, les paroles énergiques du département de la guerre, l'ordre donné de faire partir 9 000 hommes dans la quinzaine, les hourrahs des Anglais rassemblés à Southampton et à Gravesend pour assister à l’embarquement. »

C’est capital : pour conserver son statut de grande puissance militaire, l’Angleterre doit réagir.

En mars, des troupes supplémentaires, demandées de façon impérieuse par Lord Chemsford, qui dirige les opérations militaires, arrivent au Zululand. Plus de 7 000 soldats aguerris – fantassins, cavaliers, artilleurs – ainsi que plusieurs éléments du génie, viennent compléter les effectifs de l'armée britannique sur le terrain.

Quelques semaines plus tard, en mai, de nouveaux renforts vont porter à 22 000 le nombre des combattants britanniques présents sur place. Ayant comblé leur infériorité numérique, les Anglais vont peu à peu prendre l'avantage sur leurs adversaires.

L'armée zouloue, dont les réserves en hommes et en armement s'épuisent, accumule les défaites et perd de plus en plus de terrain. Finalement, le 3 juillet 1879, la bataille d'Ulundi s'achève par la victoire écrasante des régiments britanniques – dont les unités sont pour la toute première fois équipées de mitrailleuses.

Pour Cettiwayo c'est la fin, comme l’explique La Presse dans son édition du 6 août 1879 :

« Cettiwayo aurait, en fuyant le champ de bataille, conseillé aux chefs zoulous de faire leur soumission aux meilleurs conditions qu'ils pourraient obtenir. L'armée zouloue est dispersée.

Sir Garnet Wolseley a l'intention de faire parcourir le pays par des colonnes volantes. Le Zululand sera probablement divisé en trois ou quatre principautés séparées, placées chacune sous la domination d'un chef indépendant, mais directement responsable devant les autorités anglaises.

Quant à Cettiwayo, il est en fuite et a gagné, avec ses femmes et une suite peu nombreuse, la forêt d'Ugome. La plupart de ses chefs ont déclaré qu'ils ne le reconnaîtraient plus comme roi. »

Photographie du roi zoulou Cettiwayo, circa 1875 - source : WikiCommons
Photographie du roi zoulou Cettiwayo, circa 1875 - source : WikiCommons

Sir Garnet Wolseley, Gouverneur de la région du Natal, envoie alors une dépêche à Londres pour annoncer la nouvelle, retranscrite entre autres par L'Écho Saintongeais dans son édition  du 31 juillet :

« J'ai arrêté la marche des renforts qui étaient en route, parce que je regarde la guerre comme terminée. N'envoyez donc plus d'hommes ni de munitions.

Indiquez-moi télégraphiquement quel est le régiment que je dois renvoyer le premier en Angleterre.

Je pense que j'aurais une entrevue avec Cetiwayo le 16 de ce mois, pour discuter des conditions de paix. Les soumissions sont nombreuses. »

Arrêté dans sa fuite par les troupes anglaises, Cettiwayo est expatrié à Londres.

Le territoire zoulou est alors divisé en 13 principautés dirigés par des « roitelets » qui ne cesseront dès lors de se quereller pour des portions de l’ancien royaume.

En 1882, l'ancien roi des Zoulous sera rappelé sur ses terres afin de tenter de calmer la révolte de ses partisans, opposés à ces nouveaux chefs tribaux. Dans son édition du 9 septembre 1882, Le Gaulois relatera, dans un simple billet, son retour :

« Cettiwayo vient d'être signalé à Madère, en route pour le Cap, sur le steamer le Nubian.

Il faut donc renoncer à tout espoir d'accueillir dans nos murs Sa Majesté Zouloue. »

L'ancien royaume zoulou sera définitivement annexé par les Britanniques dans le courant de l’année 1887. Il finira par être intégré à l'Union Sud-Africaine en 1910.

Il est, depuis 1961, une composante de la République d'Afrique du Sud.

Pour en savoir plus :

Jean Sévry, Chaka, empereur des Zoulous : Histoire, mythes et légendes, L’Harmattan, 1991

Paul Jouvencel, « Les Peuples de l’Afrique australe », in: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, 1876