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Le 14 janvier 1858, trois bombes sont lancées à proximité du carrosse de l'empereur Napoléon III. L’attentat est signé Felice Orsini, patriote transalpin luttant pour l’unification de l’Italie morcelée, et aura des conséquences géopolitiques inattendues.
Le 14 janvier 1858, trois bombes éclatent au passage du carrosse de Napoléon III et sa femme se rendant à l’Opéra de Paris, faisant douze morts et cent cinquante-six blessés.
« Hier, à huit heures et demie, au moment où Leurs Majestés arrivaient à l’Opéra, trois détonations produites par un projectile […] se sont fait entendre.
Un grand nombre de personnes et des soldats ont été blessés, deux mortellement. L'empereur et l’impératrice n’ont pas été atteints ; un projectile a percé le chapeau de l’empereur
Le général Rognet, qui était sur le devant de la voiture, a été légèrement blessé à la nuque. Deux valets de pied out été blessés, un cheval de la voiture impériale tué.
La voiture a été brisée par les projectiles. »
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L’empereur et sa femme se relèvent rapidement et décident d’assister à la représentation qui les attend afin de ne pas inquiéter la foule.
Pendant ce temps, on se dépêche auprès des victimes tandis que la police débute son investigation. Le principal suspect n’est cependant pas très loin. Il s’agit de Giovanni Andrea Pieri, patriote italien proche de Giuseppe Mazzini, chantre de l’unification italienne. Recherché par la police française, Pieri a été reconnu par un policier aux abords de l’Opéra et ce, juste avant que les bombes n’explosent.
Les forces de l’ordre procèdent à son arrestation.
« Quelques minutes seulement avant l'attentat, l'officier de paix Hébert procédait à l'arrestation de l'accusé Pieri dans la rue Lepeletier, près la rue Rossini.
Expulsé de France en 1852, signalé depuis quatorze jours par une dépêche de M. le ministre de France à Bruxelles, comme ayant dû arriver à Paris le 9 janvier avec un autre individu dans l'intention d'assassiner l’empereur, Pieri était activement recherché par la police. On peut dire que l'intelligence et l'énergie de l'officier de paix, qui a opéré cette arrestation importante, ont puissamment contribué au salut de l’empereur.
Pieri a été trouvé porteur d'une bombe fulminante dont la description aura sa place un peu plus tard, d'un pistolet revolver à cinq coups chargés et amorcés, d’un billet de banque d'Angleterre de vingt livres sterling, d'une somme de 375 fr en or ou en argent de France. »
Cependant, malgré le mandat de recherche à son encontre, l’intention « d’assassiner l’empereur » qui y est inscrit et la « bombe fulminante » retrouvée dans ses affaires, Pieri n’a pas été interrogé par la police depuis son arrivée. Ce qui a laissé le temps à Antonio Gomez, Carlo di Rubio et Felice Orsini, l’organisateur de l’attentat, de passer à l’action.
Selon le plan établi, chacun jette à son tour une bombe qui explose sur le cortège, la dernière étant lancée sous le carrosse impérial par Orsini. Dans la panique qui s’ensuit, les trois complices s’enfuient. Ils sont bientôt localisés par la police car Pieri parle enfin. Il s’avère que Gomez s’est réfugié dans un restaurant proche de l’Opéra juste après l’attentat.
« L’instruction est confiée à M. Treillard.
Le projectile avait une forme conique avec des capsules intérieures éclatant de n’importe quel côté où elles tombent.
Cinquante à soixante personnes ont été blessées. On assure que trois étrangers sont arrêtés. »
Orsini reconnaît rapidement son geste et le procès a lieu les 25 et 26 février. C’est l’occasion pour le public d’en apprendre plus sur les accusés, et notamment sur le protagoniste principal Felice Orsini.
Né en 1819 à Meldola (qui fait alors partie des États pontificaux), il est condamné aux galères à vie à la suite d’un complot contre le pape. Amnistié l’année suivante, il devient adepte de Giuseppe Mazzini, le révolutionnaire prônant l’unification de l’Italie alors morcelée en plusieurs États. Élu à l’Assemblée constituante de la République romaine, Orsini se bat aux côtés de Garibaldi. Puis, arrêté par la police autrichienne et incarcéré en 1854 dans la prison du château de Saint-Georges, à Mantoue, il parvient à s’en évader deux ans plus tard.
« On a parlé d’une manière inexacte de l’évasion extraordinaire d’Orsini en 1856.
Il n’est pas vrai qu’il se soit servi d’un drap de lit comme d’un balancier, pour atteindre, à force d’oscillations, jusqu'à la crête d’un mur. Orsini était enfermé au troisième étage du château San-Giorgio. Sa cellule avait une seule porte devant laquelle se promenait une sentinelle ; elle était visitée treize fois par jour. La fenêtre de son cachot était garnie, tant à l’intérieur qu'à l'extérieur, d’une double grille et d'un treillis en fer. Elle regardait sur un fossé profond et fangeux qu’elle dominait à une hauteur de quatre-vingt-dix pieds.
Tous ces obstacles n'arrêtèrent pas Orsini, qui parvint à briser ses barreaux et à descendre dans le fossé au moyen d’une corde qu'il s’était procurée. La corde se trouva trop courte, Orsini n’hésita pas : il se laissa tomber et fit une chute épouvantable dans laquelle il se blessa grièvement au genou et au pied.
Cependant son énergie ne l’abandonna point ; il surmonta ses souffrances et parvint à franchir les fortifications du château et le lac qui entoure la ville de Mantoue. »
C’est depuis Londres, où il s’est réfugié à la suite de son évasion, qu’il commence à monter l’attentat contre l’empereur de France Napoléon III, coupable à ses yeux d’avoir provoqué la chute de la République romaine et d’être une entrave à l’unification de l’Italie.
À l’issue du rapide procès, Pieri, Gomez, Rudio et Orsini sont condamnés à mort. La peine de Rudio (en réalité Carlo Di Rudio, aristocrate italien) est commuée en emprisonnement à vie sur l’île du Diable.
Avant d’être exécuté, Felice Orsini fait toutefois parvenir une lettre à l’empereur, l’enjoignant d’aider l’Italie à devenir un État unifié.
« Près de la fin de ma carrière, je veux néanmoins tenter un dernier effort pour venir en aide à l’Italie, dont l’indépendance m’a fait jusqu'à ce jour braver tous les périls, aller au-devant de tous les sacrifices. […]
L’Italie demande que la France n’intervienne pas contre elle : elle demande que la France ne permette pas à l’Allemagne d’appuyer l’Autriche dans les luttes qui vont peut-être bientôt s’engager. Or, c’est précisément ce que Votre Majesté peut faire, si elle veut.
Telle est la prière que de mon cachot j’ose adresser Votre Majesté, ne désespérant pas que ma faible voix ne soit entendue. J’adjure Votre Majesté de rendre à la patrie l’indépendance que ses enfants ont perdue en 1849, par la faute même des Français. […]
Que Votre Majesté ne repousse pas la voix suprême d’un patriote sur les marches de l'échafaud, qu’elle délivre ma patrie, et les bénédictions de 25 millions de citoyens le suivront dans la postérité.
De la prison de Mazas. Signé : Félix Orsini. 11 février 1858. »
Felix Orsini, Giovanni Andrea Pieri et Antonio Gomez sont exécutés le 13 mars 1858 en criant « Vive l’Italie ! Vive la France ! ».
On dira Napoléon III réellement ému par les lettres d’Orsini (une seconde fut envoyée la veille de l’exécution). Il prend la décision d’appuyer l’Italie et les 20 et 21 juillet de la même année, rencontre secrètement Cavour, alors président du conseil des Ministres de Victor-Emmanuel II. Lors de cette entrevue à Plombières, il négocie une aide militaire de la France en vue d’affrontements armés contre l’Autriche.
Au terme de sa participation à la guerre de libération, et malgré le fait qu’elle n’a pas tenu la totalité de ses engagements, la France recevra en retour le comté de Nice et de la Savoie de la part du nouvel État unifié.
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Pour en savoir plus :
Karine Salomé, L'Ouragan homicide : l'attentat politique en France au xixe siècle, Champ Vallon, coll. « Époques », 2010
Jean-Noël Tardy, « Tuer le tyran ou la tyrannie ? Attentat et conspiration politique : Distinctions et affinités en France de 1830 à 1870 », in : Cahiers de l'Institut d'histoire de la Révolution française, 2012