Très rapidement, le gouvernement déploie alors différentes stratégies pour rapatrier les Français encore en Allemagne. Plusieurs missions urgentes lui incombent : identifier les Absents restés en Allemagne, créer des réseaux de rapatriement, mettre en place des centres d’accueil et de contrôle ainsi que préparer la société française au retour des rapatriés.
Les rapatriements massifs du printemps 1945
Avec la libération des camps d’Auschwitz, Bergen-Belsen, Ravensbrück, Buchenwald et Dachau, il devient urgent de changer les méthodes de rapatriement. Jusque-là, les déportés rentraient par les mêmes circuits que les prisonniers de guerre, les réfugiés et les travailleurs requis ou volontaires. Mais le nombre de déportés augmentant d’un coup au printemps 1945 ne permet plus d’utiliser les mêmes circuits pour tous les rapatriés. Les trains ne sont pas assez nombreux pour rapatrier directement les déportés en région, depuis les centres de transit déployés aux frontières. La médiatisation des retours des prisonniers de guerre est abandonnée au profit d’un accueil au calme et décent pour les déportés.
Début avril, les Alliés autorisent le rapatriement des prisonniers et déportés en avion pour accélérer les retours. S’opère alors un tri à la fois politique et sanitaire par les autorités françaises qui ramènent, en priorité et par avion, les déportés politiques connus. « De grandes figures de la IIIe République se trouvent dans ces camps, notamment à Buchenwald » souligne Pieter Lagrou.
« Le transport aérien est encore très rare. Et que le gouvernement puisse mobiliser des avions pour rapatrier les déportés va avoir un impact énorme et va être soigneusement mis en scène, y compris par les services de rapatriement, pour montrer tout le souci que l’État met dans ce rapatriement.
Évidemment, cela provoque d’immenses jalousies, des sentiments d’injustice. »
Le 11 avril, le camp de Buchenwald est libéré par les troupes américaines. Une semaine après, arrivent les premières personnes rapatriées. « 49 personnalités françaises internées à Buchenwald sont arrivées à Paris » écrit Ouest-France le 19 avril 1945. Des déportés politiques, figures de la Résistance française, anciens commandants, directeur d’institutions publiques, intellectuels.
Une scission forte entre les déportés politiques et dits « raciaux » ne cesse alors de se creuser. « À nouveau va se nouer une controverse pour distinguer ceux arrêtés pour faits de résistance et ceux arrêtés pour toutes autres raisons ». Parce qu’ils étaient juifs, roms, homosexuels ou noirs. Eux, comme nombre de déportés politiques, prendront plus de temps pour rentrer, rapatriés par camion et par train, souvent dans l’anonymat et l’oubli.