1918 : l'exécution du tsar Nicolas II et de sa famille
Quand le tsar de Russie est assassiné dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918, c'est plusieurs jours plus tard – et d'abord au conditionnel – que la presse française relate l'information.
Le Courrier de Saône-et-Loire, 22 juillet 1918 :
« Le Tsar Nicolas aurait été fusillé le 16 juillet dernier. Un radio télégraphique du gouvernement russe relate [...] les circonstances de la mort de l'ex-empereur Nicolas II et les détails de la conspiration révolutionnaire. [...] L'ex-impératrice et l'ex-tsarewitch ont été ensuite envoyés dans une localité où ils sont en sûreté. »
Le même jour, dans un article titré « Pourquoi les bolchéviks ont fusillé Nicolas II » , Le Petit Parisien ajoute à l'information un commentaire qui explique sans doute la vigilance de la presse face à l'annonce de la mort du tsar :
« On sait que le bruit de l'assassinat de Nicolas II par un garde rouge, près d'Ekaterinenbourg, avait couru le mois dernier. Il fut ensuite démenti. La dépêche ci-dessus semble attester que, cette fois, il n'y a pas de doute. »
C'est ce même « bruit » sur lequel revient Le Petit Journal du 22 juillet qui « se souvient que la nouvelle de l'assassinat du tsar a surgi il y a déjà un mois », bien que cette fois-ci l'information semble plausible au journal.
En pleine guerre civile, difficile de savoir ce qu’il se passe réellement pour le reste de la famille impériale : les premières nouvelles mentionnent l'assassinat du tsar en précisant que l'impératrice et le tsarewitch auraient été emmenés « dans une localité où ils sont en sécurité ». Peu à peu, la nouvelle de la mort de Nicolas II tend à être certifiée par la presse ; Le Journal du 23 juillet retranscrit un télégramme du « commissaire du peuple Tchitchérine » qui explique la motivation de l'exécution :
« Ce document est ainsi libellé : “Un complot contre-révolutionnaire, dont le but était de placer à nouveau Nicolas Romanov sur le trône, ayant été découvert à Ekaterinenbourg, grâce à de nombreux documents s'y rapportant qu'on a saisis, le soviet régional de l'Oural, en raison du danger qui menaçait la révolution, ordonna de fusiller Nicolas Romanov, ce qui fut fait le 16 juillet”. »
Dans la suite de l'article, Le Journal replace l'exécution du tsar dans le contexte de la révolution russe :
« Deux opinions s'étaient fait jour. Les uns pensaient qu'en dépit du revirement profond que la révolution avait opéré dans les esprits, la personnalité du tsar, en tant que chef de la religion orthodoxe, pourrait toujours être exploitée en vue de gagner, grâce au mysticisme persistant des masses paysannes, de nombreux adhérents au parti de la droite. [...]
La réapparition possible de Nicolas II pouvait, dans ces conditions, jeter le trouble dans les esprits des masses illettrées et rendre de plus en plus difficile la situation déjà précaire du gouvernement provisoire.D'autre part, Lénine et Trostsky avaient des raisons sérieuses pour ne pas supprimer l'ancien souverain. C'est qu'en effet ils avaient essayé d'instruire son procès et qu'ils espéraient démontrer [...] que la responsabilité de la défaite et de la reddition de la Russie devait être attribuée aux erreurs, et, ajoutaient-ils, aux crimes de l'ancien régime. »
«Les derniers instants de Nicolas II » relatés dans La Croix le 3 août 1918 :
« Le tsar fut réveillé à 5 heures du matin par une patrouille composée d'un officier (?) et de six hommes. Il fut invité à s'habiller et emmené dans une pièce où on lui donna la lecture de la sentence des gardes rouges. Deux heures lui furent laissées pour se préparer à la mort. Nicolas accueillit la condamnation à mort avec un grand calme. [...]
À 9 heures, une escorte arriva pour enmener l'ex-empereur au lieu d'exécution. Il essaya de se lever de sa chaise, mais n'en fut pas capable. [...] On le fit s'appuyer au poteau. Il leva les mains, sembla vouloir tenter de parler, mais les salves partirent, et Nicolas II tomba mort. »
Le 3 août encore, L'Univers consacre un long article à la révolution russe, et tire déjà le bilan, quelque 15 jours après l'exécution, du règne de Nicolas II :
« Le règne de Nicolas II s'appellera dans l'histoire le règne des occasions manquées. Il y a cinq ans (1913) la Russie avait célébré le troisième centenaire de l'avènement des Romanof. Nicolas n'aura pas compris cette leçon de politique et d'histoire. C'est par l'élection et pour que la Russie eût un chef capable de la sauver de l'invasion étrangère que Michel Romanof avait été porté au trône. Là se trouvait l'indication du rôle qui revenait à son successeur. »