Écho de presse

29-30 juin 1934 : la nuit des longs couteaux

le 28/06/2024 par Marina Bellot
le 01/09/2020 par Marina Bellot - modifié le 28/06/2024
Illustration : Le Petit Journal du 3 juillet 1934 - Source RetroNews BnF
Dans la nuit du 29 au 30 juin 1934, Hitler, aidé par les SS de Himmler, se livre à une répression brutale et sanglante les "extrémistes" de son propre parti, rassemblés autour des SA de Röhm. 
Dans la nuit du 29 au 30 juin 1934, puis dans les jours qui suivent, Hitler élimine les sections extrémistes de son parti rassemblés autour des SA de Röhm, grâce au concours des SS et de leur chef Himmler. En France, les informations officielles qui parviennent d'Allemagne sont scrutées avec une grande attention.

Le journal La Croix consacre sa une aux "graves événements d'Allemagne" et revient longuement sur la situation outre-Rhin telle qu'officiellement rapportée :

"Autant qu’on en peut juger par les renseignements officiels, les seuls qui soient encore transmis, le chancelier Hitler a eu à faire face à un mouvement de ses sections d’assaut, dirigées par les chefs de cette organisation, forte d’un million d’hommes. Elles voulaient, profitant du mécontentement général, renverser le chancelier lui-même et son gouvernement, et instaurer, à la place, un pouvoir socialisant.
 
Ce sont, en effet, les éléments extrémistes de gauche du parti qui s’agitaient. Ils reprochaient au Führer et à ses lieutenants immédiats, Goering et Goebbels et autres, de ne pas réaliser la partie socialiste du programme du national-socialisme, mais, tout au contraire, de pactiser avec les industriels et les classes bourgeoises. Devant le «
 putsch » qui se préparait, Hitler n’a pas hésité une seconde. Avec une netteté de décision remarquable et une audace de volonté qu’il faut souligner, il s’est lancé lui-même dans l’aventure, en attaquant personnellement de front le chef de la conspiration, le capitaine Roehm, commandant suprême des sections d’assaut. Puis des arrestations en masse, et des exécutions immédiates de plusieurs responsables ont paralysé, sur-le-champ, toute tentative de soulèvement."

En réalité, cette prétendue tentative de coup d'État de Röhm a été inventée de toutes pièces par Heinrich Himmler, Reinhard Heydrich et Hermann Göring. La purge permet à Hitler de réduire à néant toute velléité d'indépendance de la SA et d'avoir le champ totalement libre dans la perspective de la succession du président du Reich, Paul von Hindenburg.

La presse internationale et française condamne quasi-unanimement cette répression brutale et sanglante. On évalue à 85 le nombre d'assassinats, en majorité des nazis de la première heure et notamment Ernst Röhm, chef des SA. Dans Le Populaire, Léon Blum écrit à propos d'Hitler : 

"Jamais il n'a témoigné d'une férocité plus calculée, plus volontaire et par là même plus répugnante. [...] Et que dire de cette débauche de sauvagerie dans l'assassinat de von Schleicher et de sa femme, des fusillades en masse pour des motifs inconnus et invérifiables qui laissent apparaître une sorte de manie sadique dans la cruauté ? […] Jamais le racisme hitlérien ne m'est apparu plus nettement comme l'ennemi de toute civilisation, de toute moralité, de toute paix humaine. Jamais je ne me suis senti plus profondément pénétré de la certitude que l'extirpation du racisme, du fascisme, de tout ce qui y ressemble ou y tend, est comme un devoir préalable de rédemption par lequel l'humanité doit se rendre digne d'elle-même."

Dans Le Temps, on peut lire :

"C'est une affaire de police des mœurs. On y sent la culpabilité, la trahison, l'hypocrisie. Ces cadavres sont exhibés dans la fange et les meurtriers se sont ménagés un alibi. […] Vieille Allemagne ! Des gens qui te savaient impudente et cruelle disent pourtant que tu n’as pas mérité ça."

Après la mort du président du Reich, Hindenburg, le 2 août 1934, Hitler cumulera les fonctions de chef de l'État, du gouvernement, du parti nazi et de commandant suprême des forces armées.