En réalité, il s’agit du « Protocole M » de janvier 1948 contenant les grandes lignes d’une soi-disant machination russe visant à s’emparer de la région de la Ruhr. Cette rumeur, elle aussi vraisemblablement mise en circulation par Londres, fut plus tard nourrie par plusieurs grèves dans la région. L’authenticité du Protocole M fut pourtant par la suite officiellement démentie.
Pourquoi ces rumeurs et fake news ont-elles pu se faire leur place dans la presse ? Tout d’abord, parce que tout n’y est pas faux : à Berlin en effet, on a pu observer des tumultes provoqués par des sympathisants du Parti socialiste unifié, notamment à la suite du rassemblement des députés berlinois ayant décidé d’introduire le « Deutsche (West-) Mark », en concurrence avec l’« Ost-Mark », dans les secteurs occidentaux. Des troubles semblables se répéteront au mois de septembre 1948. Mais on ne peut bien entendu pas parler de « complot ».
De même, la célébration du Blocus et du Pont aérien de Berlin par les Alliés de l’Ouest suit un certaine trame narrative. On a « dramatisé » la situation : à dire vrai, Berlin ne fut pas à ce point coupée du monde. Dans la presse occidentale, on semble oublier que l’administration soviétique a également importé – et ce, dès le début du Blocus – nourriture et matières premières dans les secteurs occidentaux : on estime ces arrivages à quelque 500 000 tonnes (contre 2,3 millions de tonnes certes par les Alliés de l’Ouest). Mais, et il faut insister sur ce point, ces ravitaillements étaient toujours ponctionnés sur ceux du secteur occupé par les troupes soviétiques, aux dépens d’une population qui subissait déjà diverses privations.
On peut donc dire que l’URSS s’est seulement borné à suivre son agenda politique, à savoir forcer les Alliés de l’Ouest à accepter une Allemagne unie et militairement neutre, ou les contraindre à quitter Berlin. Et les conséquences humanitaires désastreuses induites par le Blocus n’ont jamais impacté ce choix.
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Rita Aldenhoff-Hübinger est historienne. Elle enseigne à l’université européenne de Viadrina, à Francfort.
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Pour en savoir plus :
Matthias Bath, Die Berlin-Blockade 1948/49. Stalins Griff nach der deutschen Hauptstadt und der Freiheitskampf Berlins, Neuhaus Verlag, Berlin, 2018
Wolfgang Benz, « Berlin – auf dem Weg zur geteilten Stadt »
Corine Defrance, Bettina Greiner, Ulrich Pfeil (Herausgeber), Die Berliner Luftbrücke. Erinnerungsort des Kalten Krieges, Ch. Links Verlag, Berlin, 2018
Helga Grebing (dir.), Lehrstücke in Solidarität. Briefe und Biographien deutscher Sozialisten 1945 – 1949, Berlin, De Gruyter, 2015
Ulrich Herbert, Geschichte Deutschlands im 20. Jahrhundert, p. 589–601, Verlag C. H. Beck, München, 2014