La défaite du héros : Garibaldi n’aura pas Rome
En 1867, Giuseppe Garibaldi, le « héros des deux mondes » tente pour la seconde fois de conquérir Rome, état pontifical, afin d’achever l’unité italienne. Il sera stoppé à Mentana par l’armée française venue au secours du Pape Pie X.
Lorsque Giuseppe Garibaldi, révolutionnaire et artisan de l’unité italienne marche sur Rome en 1867, il a déjà derrière lui de nombreux faits d’armes et victoires politiques aboutissant à l’unification de son pays en 1861.
Pilier des deux guerres d’indépendance italiennes (de 1848 à 1861), il a mené ses Chemises rouges, les volontaires engagés à sa suite, partout où son habileté stratégique et son courage au combat étaient requis pour réaliser le rêve d’unité. Et pour contrer les attaques des troupes autrichiennes et françaises appelées en renfort par les duchés et petits états qui composent alors la péninsule.
En 1867, il décide de s’emparer de Rome, siège du pouvoir temporel du pape, pour en faire la capitale. En France, cette offensive est reçue comme une déclaration de guerre car Paris protège l’état pontifical. La bataille s’engage le 3 novembre à Mentana, petite ville du Latium dans la province de Rome. Elle ne dure que quelques heures, au terme desquelles les Chemises rouges de Garibaldi sont défaites.
Selon le Courrier de Saône-et-Loire du 7 novembre 1867, le combat est bref.
« Le combat dura quatre heures et fut d’autant plus acharné que les garibaldiens au nombre de dix mille, étaient retranchés pour la plupart dans le poste de Mentana, qu’ils ne cessaient de fortifier depuis plusieurs jours.
Sur le soir, les garibaldiens commencèrent à faiblir, mais comme au milieu de l’obscurité on ignorait la véritable situation des choses, on fit sortir de Rome de nouvelles troupes pour soutenir au besoin celles qui étaient déjà engagées. Mais dans la même nuit Mentana avait capitulé, et était occupé par les troupes, françaises et pontificales. Au point du jour elles occupèrent également Monte Rotondo, qui venait d'être évacué.
Les garibaldiens se débandèrent alors dans toutes les directions ; leur corps d’armée était entièrement détruit. »
À la Chambre et au Sénat, politiques, haut-gradés et ecclésiastiques se succèdent pour chanter les louanges de l’armée française (« Nos fusils Chassepot ont fait merveille », clame le général de Failly) et se réjouir d’avoir sauvé le pouvoir temporel du pape. Car l’enjeu est bien là, comme le rappelle le cardinal Bonnechose au Sénat en décembre 1867 dans Le Temps :
« Les nuages amoncelés depuis vingt ans par les dignes héritiers de Machiavel (à qui ils ont élevé une statue) s'évanouissent ; nous voyons se dessiner en pleine lumière l'antagonisme formidable de la papauté temporelle et de l'unité italienne qui lui conteste à la face de l'Europe le droit de vivre sur le sol de l'Italie. »
Et le député Charles Chesnelong de s’enflammer :
« Quoi ! en présence des circonstances que chacun connaît et que je n’ai pas besoin de rappeler, quand le gouvernement italien, s’il n’était pas le complice de Garibaldi, se montrait impuissant à l’arrêter dans sa marche sur Rome ; quand la république romaine de 1849, renversée par nos armes, était sur le point de renaître de ses cendres, on aurait voulu que le gouvernement français se croisât les bras et laissât déchirer la convention au bas de laquelle était sa signature ! Non, la France aurait cessé d’être la France si elle n’était pas intervenue dans de telles circonstances. »
Dans ce concert de dévotions papales, certains députés républicains s’insurgent contre la politique menée pour défendre Pie X :
« Rome est un point de ralliement pour tous ceux qui regrettent le passé et ne peuvent pas prendre leur parti au présent. Avez-vous du moins fondé l’indépendance de la papauté ? Non, car après une occupation qui a duré dix-huit ans, le pape est plus faible qu’en 1849. Il y a quarante ans que son pouvoir n’existe plus. »
Et Garibaldi dans tout ça ? L’infatigable combattant est arrêté et détenu pendant vingt jours. Le journaliste républicain Anatole de la Forge s’adresse à lui dans son éditorial « Respect aux vaincus » paru dans Le Siècle du 7 novembre :
« Quant à toi, vieux Garibaldi, grand homme, grand cœur, héros complet, soit que l'on te tienne enfermé au fort de Varignano, soit que tu retournas dans ton île solitaire de Caprera tu emportes l'amour et l'admiration d'un peuple. »
Un amour et une admiration qui ne se démentiront pas : en 1870, à 64 ans, l’insurgé italien se met au service de la France républicaine et devient commandant de l’armée des Vosges pour défaire les Prussiens à Dijon. Il sera élu en France, député de l’Union républicaine, en 1871, puis député de Rome en 1875. Il s’éteint le 24 mars 1882 à son domicile de Caprera.
À l’annonce de sa mort, Victor Hugo déclarera : « L'Italie n'est pas en deuil, ni la France, mais l'humanité ».