30 avril 1945 : Hitler est-il véritablement mort ?
Au printemps 1945, la presse française annonce la mort du dictateur nazi, terré dans son bunker, tandis que l'armée soviétique entre dans Berlin. « À moins que »…
Avant même que Adolf Hitler ne se tire une balle dans la tête dans son bunker de Berlin, le 30 avril 1945, pendant que son épouse Eva Braun s'empoisonnait, la rumeur de sa mort faisait déjà la une de la presse française.
Le 29 avril, alors que l’Allemagne est au bord de la capitulation, L'Aube pose, « sous toutes réserves », la question suivante : « Hitler est-il tombé à Berlin ? »
« Le poste clandestin allemand Atlantiksender annonce qu'on s’attend d'une minute à l’autre à la publication d’un rapport annonçant la mort de Hitler.
Le Führer serait tombé depuis plusieurs jours, à la tête de ses troupes, à Berlin. »
Le 1er mai, Ce soir annonce de la même manière, en citant la BBC, qui elle-même reprend une information d'origine suédoise (le comte Bernadotte, vice-président de la Croix-Rouge suédoise, a été en contact avec Heinrich Himmler, qui tente de négocier une paix séparée sur le front Ouest), que Hitler est mort le 29 avril à midi. Apparemment d'une mort naturelle : selon Himmler, « Hitler est atteint d'une hémorragie cérébrale. Il ne survivra pas à l'annonce de la reddition. »
Sauf que le même journal se demande si c'est bien Hitler qui se trouve à Berlin, en relayant une autre dépêche, diffusée par la radio soviétique :
« Selon une nouvelle de source britannique, Hitler ne se trouverait pas actuellement à Berlin.
Ce serait en réalité l'un de ses sosies, nommé August Wilhelm Bartoldi, qui combattrait dans la capitale du Reich, tandis que des collaborateurs de Goebbels seraient aux aguets pour le photographier au moment où il tomberait sous les balles. »
À chaque fois, la nouvelle annoncée est donc prématurée. Ce qui n'est pas le cas de celle qui fait les gros titres de la presse le 3 mai 1945, annoncée de source officielle allemande en même temps que la nomination à la tête du Reich de l'amiral Dönitz :
« Hitler est mort, a annoncé cette nuit la radio allemande. Cette nouvelle fut mélodramatiquement précédée de l'exécution du “Crépuscule des Dieux”. […]
Mais, dès ce matin, la radio soviétique suggérait que l'annonce de la mort de Hitler peut fort bien n'être qu'une mise en scène, “un subterfuge qui permettrait au chef des nazis de disparaître provisoirement de la scène pour entreprendre une lutte souterraine”.
Il convient donc d'accueillir avec prudence la nouvelle de sa mort, quoique évidemment elle soit parfaitement possible. »
La mort de Hitler, note le journal communiste L'Émancipateur, suit de deux jours celle de son complice Mussolini, fusillé en Lombardie par un groupe de partisans italiens :
« Les événements se précipitent.
Après le juste châtiment reçu par le “César de Carnaval” où le peuple italien outragé pendant 25 années fait payer à Mussolini tout ce qu’il a souffert, nous apprenons la mort peu glorieuse de Hitler.
Ce sinistre bandit qui sema la ruine, la mort, la misère et les horreurs dans le monde entier n’aura pas payé sa dette comme il aurait fallu. »
Cette annonce est loin de dissiper les zones d'ombre autour des dernières heures du dictateur nazi. Le 25 mai 1945, Ce soir annonce ainsi que Hitler est mort le 1er mai, tué par son médecin alors qu'il était devenu « complètement fou et à moitié paralysé » :
« Dans les derniers jours de sa vie, Hitler était nourri artificiellement par des injections quotidiennes de jus de pamplemousse et de sucre et il croyait sans doute qu'il s'agissait de son traitement quand le docteur Morell lui administra la fatale piqûre dans l'abri souterrain de la Chancellerie. »
Trois mois plus tard, le même quotidien développe une hypothèse proche, entendue de la bouche du comte Bernadotte, qui développe l’hypothèse d’un complot de la part de Himmler :
« Lorsqu'on a vu le chaos monstrueux de la Chancellerie à Berlin, on peut placer le drame dans son cadre fantastique : Hitler, terrassé par le mal, tremblant de tous ses membres, vivant la plupart du temps au fond de son abri bétonné pendant que Berlin s'écroule et flambe, entouré d'une équipe de fanatiques, se refusant à toute capitulation.
Et Himmler, ce génie criminel, préparant la mort de son chef pour devenir le maître de l'Allemagne, essayant cette dernière tentative désespérée : guerre à l'est, paix à l'ouest [...]. »
De nouveaux récits suivront. L'un des plus crédibles est celui publié par L'Aube le 3 novembre 1945, fondé sur les rapports des services secrets britanniques, qui divergent de ceux des soviétiques :
« [Vers 14h40, le 30 avril 1945], on vit pour la dernière fois Hitler et Eva Braun en vie.
Ils firent le tour de l'abri et serrèrent les mains des personnes de leur entourage immédiat, puis se retirèrent dans leurs appartements où ils se suicidèrent, Hitler apparemment en se tirant une balle de revolver dans la bouche, Eva Braun en absorbant du poison. […]
On précise que le rapport de l'Intelligence Service a été établi sur les recherches uniquement effectuées par les Britanniques qui ont consulté les Russes, lesquels cependant se montrent toujours sceptiques quant à la mort du Führer. »
Car en ces premiers mois de l'après-guerre, les rumeurs d'une survie de Hitler, notamment alimentées par les déclarations du général Joukov, le vainqueur de Stalingrad, déclarant en juin 1945 que le dictateur avait pu s'échapper, ont déjà fleuri.
Le 18 juillet, Ce Soir, en se fondant sur les journaux américains et argentins, en développe deux :
« L’U-boat 530, qui s'est rendu récemment dans un port argentin et qui va être livré aux Alliés avec son équipage, a-t-il amené Hitler jusqu'en Patagonie ou bien, au cours d'une mystérieuse croisière, a-t-il abordé aux rives du continent antarctique devenu aujourd'hui un Berchtesgaden polaire ? [...]
La région indiquée a une superficie de 14 millions de kilomètres carrés, soit près de 30 fois celle de la France. Elle est aussi inexplorée que la planète Mars. »
La version acceptée par la grande majorité des historiens veut qu’Adolf Hitler se soit suicidé par balle le 30 avril 1945 dans son bunker berlinois tandis qu’Eva Braun s’empoisonnait au cyanure, aux côtés de leur berger allemand et de son petit.
Les circonstances exactes du suicide du Führer, l'identification du corps et le sort réservé à sa dépouille demeurent cependant, 73 ans plus tard, toujours sujets à controverse.