Trente ans après sa fondation, un article du Jour, publié le 16 avril 1883, détaille comment les Boucicaut ont révolutionné le monde du commerce, en omettant malgré tout quelques étapes. En effet, Aristide Boucicaut, travaille à partir de 1848 pour une boutique de mercerie établie entre la rue du Bac et la rue de Sèvres ; en 1852, utilisant son épargne, il va avec sa femme s’associer au propriétaire, Paul Videau, et ne reprend à son compte le Bon Marché qu’en 1863.
Au début du Second Empire, le magasin est encore un « espace d'environ vingt pieds sur douze », soit un peu plus de 20 m2, vite trop étroit pour les ambitions du couple. En appliquant les techniques de vente apprises au Petit Saint-Thomas, leur succès commercial permet aux Boucicaut de racheter les vieilles maisons qui avoisinent leur boutique, puis de les démolir, afin de former « un édifice homogène », lequel couvre bientôt « une superficie de 7 500 mètres carrés ». Entre 1852 et 1882, les ventes vont passer de quatre-vingt mille francs à quatre-vingt millions par an, chiffres qui montrent la croissance fulgurante du magasin.
On compte alors « au total 2 700 employés, messieurs, dames et demoiselles ». A la mort de Marguerite, cinq ans plus tard, ils sont 3 250, « une armée ! ».
L’objectif reconnu des Boucicaut est alors de poursuivre la révolution consumériste initiée au Petit Saint-Thomas, en adoptant toutes les techniques qui leur permettent de vendre en grandes quantités, à petits prix. Pour stimuler les ventes, Aristide met notamment en place une politique de remboursement : un client insatisfait peut retourner son produit en magasin. Dans les années 1850, cette pratique est inédite. L’Éveil dans un article de 1919, intitulé « La conception commerciale d’Aristide Boucicaut », revient sur cette pratique alors révolutionnaire :
« C’était la tentation, par la mise sous les yeux du public, de la différence existant entre des prix pratiqués par lui et ceux qu’on savait que pratiquaient les boutiquiers d’alentour. »
Pour stimuler les ventes, le Bon Marché n’a pas hésité à faire sa promotion dans de nombreux journaux, jusqu’au pourtant très institutionnel Journal officiel de la République française. La majorité des dizaines de milliers d’occurrences dans RetroNews concernant le Bon Marché est de fait formée par ces innombrables encarts publicitaires.
Les Boucicaut se démarquent également en se faisant les importateurs de produits étrangers à bas prix. Le Figaro insiste notamment sur ce point dans un long reportage intitulé « Une visite au Château de Chamarande » le 26 octobre 1879 :
« C’est ce qui permet au “Bon Marché” de livrer à sa clientèle des châles de Cachemire, [...] des tapis de Smyrne et de Perse [...] à des prix inférieurs à ceux que nous les vendent les marchands de Smyrne, du Bazar de Constantinople [...].
Voilà pourquoi et comment le “Bon Marché” défie toute concurrence. »