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1928 : La réforme de l'alphabet en Turquie

le par - modifié le 13/10/2020
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En 1928, l’alphabet turco-latin remplace l’alphabet arabe en Turquie. Après plus de mille ans, les Turcs doivent apprendre et utiliser une nouvelle écriture et de surcroît, écrire de gauche et droite. L’instigateur de cette réforme n’est autre que Mustapha Kemal (Atatürk). La Turquie change de visage.   

Une réforme réfléchie

En 1923, la République de Turquie est proclamée. Son fondateur Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938) fait de la réforme de la langue turque une des priorités nationales.   

Dès janvier 1928, L’Homme libre du 10 janvier 1928 évoque l’adoption d’un nouvel alphabet : « Jusqu’à présent ils se servaient des caractères arabes, ce qui présentait beaucoup d’inconvénients parce que le turc est une langue ouralo-altaïque et que l’arabe est sémitique ».

Commencée en mai 1928, cette réforme voulue par Atatürk, recueille l’adhésion nationale. Il constitue une commission linguistique qui est chargée de faire correspondre les lettres latines à celles arabes et de réformer la grammaire en usage.

Le 10 août 1928, à Istanbul, Atatürk annonce l’adoption du nouvel alphabet. L’écriture arabe est abandonnée en novembre 1928. Le 1er novembre, l’Assemblée nationale adopte l’alphabet turco-latin qui est rendu obligatoire le 1er décembre pour la presse et à partir du 1er janvier 1929 pour l’administration.

L’Ouest-Éclair, du 25 novembre 1928, titre « La nouvelle Turquie. La révolution de l’alphabet ». Pour ce quotidien, Mustapha Kemal, le « dictateur pédagogue », est l’âme de cette réforme :

« Songez que, pour écrire correctement en arabe, il faut connaître 482 signes, à la place desquels 26 lettres latines suffisent maintenant. C’est tout une révolution : dans les écoles, dans les imprimeries, dans les banques, dans la littérature, dans l’art, dans la réclame, dans l’industrie des machines à écrire, dans la poste et dans le télégraphe, on ne peut plus employer que le nouvel alphabet. [...] 

L’occidentalisation de la culture turque sera, on peut l’affirmer, le résultat final de cette révolution, que seul un régime dictatorial comme celui qui existe sous le masque parlementaire en Turquie pouvait réaliser. »

Pour Le Petit Journal, du 27 février 1929, Mustapha Kemal est « le Ghazi réformateur de la plus grande révolution réalisée en Turquie ».

Mustapha Kémal, Atatürk, et son épouse, Agence Rol, 1923 - source : Gallica-BnF

Une application pensée avec le soutien du peuple

Le 19 janvier 1929, des Écoles du peuple sont chargées d’enseigner à la population le nouvel alphabet. On y apprend à lire et à écrire. L’éducation du peuple est primordiale pour Atatürk. L’analphabétisme va reculer.

Le 13 août 1930, L’Européen dresse un bilan élogieux de cette réforme :

« Au début ce fut la désorientation, suivit le désarroi. Mais cela ne dura qu’un temps, et au bout de six mois on commençait à se retrouver avec les nouveaux caractères latino-turcs. Aujourd’hui, c’est tout à fait différent. Plus de deux millions de citoyens turcs ont été initiés à la nouvelle écriture ». 

Jeunes Turcs apprenant l'alphabet latin sous Atatürk, 1929 - source : Gallica-BnF

Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938)

Mustafa Kemal Atatürk est né à Thessalonique en 1881. Héros de la Première Guerre mondiale, il est le fondateur et le premier président de la République Turque. Il meurt à Istanbul le 10 novembre 1938.

Mustapha Kemal en costume traditionnel libyen, 1911 - source : Gallica-BnF