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L’invention de l’école maternelle par Pauline Kergomard

le par - modifié le 01/10/2024
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« Inutile de bourrer le crâne des jeunes enfants, il faut passer par le jeu ! » Cette pédagogie surprenante en cette fin de XIXe siècle est portée par Pauline Kergomard, qui va organiser les écoles maternelles françaises pour qu’elles deviennent un lieu d’épanouissement de l’enfant.

À 18 ans, Pauline Reclus est institutrice. La jeune bordelaise, cousine du géographe Elisée Reclus s’intéresse à l’éducation des tout-petits en allant au-delà des pratiques de l’époque. Lorsqu’à 25 ans, mariée à Jules Kergomard, elle devient directrice d’une école privée, elle développe une pédagogie surprenante basée sur l’apprentissage par le jeu plutôt que par le bourrage de crâne.

En 1877, elle publie « L’Éducation maternelle dans l’école ».

« Ah ! ce n'est pas elle qui croit qu'on apprend bien que ce qu'on apprend difficilement. Non.

Elle croit qu'on n'apprend bien que ce qu'on apprend clairement : et cette démonstration claire, tangible qui entre dans le cerveau de l'enfant par les yeux, les narines, l'oreille, tous ses sens, elle montre aux mères de famille, comme aux institutrices, comment elle doit être pratiquée.

Beaucoup d'institutrices, selon la vieille méthode, trouvent plus simple de farcir de mots la tête des enfants ; elles ne leur demandent que de faire un effort de mémoire. »

Pour Pauline Kergomard, il faut apprendre clairement aux enfants, sans saturer leur esprit. Et impliquer les parents dans cette éducation. Elle se positionne notamment sur un sujet récurrent lors de chaque rentrée (y compris au XXIe siècle) : les devoirs à la maison.

« Pour contenter les parents, dit-elle, non seulement on surchauffe les enfants pendant les heures de classe, mais de plus, ils emportent un devoir à faire chez eux le soir.

Oui ! Un devoir du soir à des enfants de six ou sept ans, qui devraient être au lit à la nuit tombante ! Un devoir du soir !

Et dans quelles conditions aggravantes ! Tout le monde connaît les installations des ménages d'ouvriers : la place est exiguë, la table et les chaises sont à hauteur d'homme et non à hauteur d'enfant, l'éclairage est défectueux. L'enfant non surveillé ou mal surveillé prend des attitudes funestes, il se gâte la vue, il dort sur son cahier.

De sorte que cette chose insensée : faire travailler un enfant le soir devient une chose coupable. »

Pauline Kergomard écrit, publie, donne des conférences sur l’éducation des enfants, et plus spécifiquement des tout-petits. Ses travaux lui valent l’intérêt de Ferdinand Buisson, directeur de l’Enseignement primaire.

En 1879, elle est nommée déléguée générale à l’inspection des salles d’asile, établissements où l’on accueille les enfants avant l’école et où l’éducation est laissée à l’appréciation de chaque commune qui en possède une. La nouvelle déléguée générale les transforme en écoles maternelles, reprenant l’appellation de 1848.

« Le projet y ajoute une prescription analogue concernant les salles d’asile. Ces établissements, beaucoup mieux nommés par l’ordonnance de 1837 “école du premier âge”, et par l’arrêté du 28 juin 1848 “écoles maternelles”, sont des établissements d’éducation aussi bien que de charité.

Ils ne préparent utilement à l’école primaire qu’à la condition de n’être pas de simples garderies et d’être confiés à des personnes qui aient de l’aptitude et du goût pour cette tâche délicate entre toutes de la première éducation. »

Photos de Pauline Kergomard publiées avec le discours en son hommage de Camille Guy, 1926 - source : Gallica-BnF

Ces nouvelles écoles sont mixtes ; les institutrices (uniquement des femmes) sont formées et leur statut est pérennisé par l’État avec la loi sur l’éducation de Jules Ferry du 16 juin 1881.

Plus que l’éducation, Pauline de Kergomard prône le développement naturel de l’enfant, notamment par le jeu. Elle est la première à exiger du mobilier à la taille des petits.

Toujours à la recherche d’outils pédagogiques, elle lance en 1881 Mon Journal, une publication destinée à ceux qui commencent à lire.

« Jamais on n’a pris plus de soin, que de notre temps, de l’instruction des enfants : jamais on n’a imaginé plus de moyens de les instruire en les intéressant et en les amusant.

À peine commencent-ils à épeler que l’on met à leur portée des publications qui puissent éveiller leur jeune intelligence, exciter leur curiosité ou leur initiative et laisser dans leur mémoire quelques notions utiles.

Un des meilleurs moyens d’y intéresser l’enfant n’est-ce pas de donner à ces publications une forme qui lui soit personnelle, comme celle d’un journal qui lui est adressé directement, à son nom ? Sa petite personnalité en est flattée, et il n’est que plus disposé à accorder de l’importance à ce qu’il y trouve.

Tel est le cas de Mon Journal, publication mensuelle qui renferme des récits, des historiettes, des anecdotes instructives et amusantes, des leçons de choses, des jeux, de petits modèles de travaux manuels et, par-dessus tout, des devinettes qui ont le don de piquer l’émulation des petits lecteurs, d’autant plus que les gagnants ont droit a une récompense. »

En 1886, plusieurs membres du Conseil supérieur de l’instruction portent sa candidature aux élections de cette instance exclusivement masculine.

« Quelques électeurs ont eu la généreuses audace de poser, sans me consulter, ma candidature au conseil supérieur pour les élections du 10 décembre.

Si je désavouais leur initiative, si je ne secondais pas leurs efforts en essayant, moi aussi, de faire entrer la femme dans le conseil où s’étudient et se fixent les questions qui intéressent l’enfance, je serais, à la fois, coupable d’ingratitude envers eux et de lâcheté envers l’idée que je sers. »

1887 voit donc l’arrivée de la première femme dans l’organisation chargée des programmes de l’instruction publique. Pauline Kergomard multiplie ses activités d’inspection, de recherches, de publication et de conférences.

Elle est aussi au cœur de la création de la Société du sauvetage de l’enfance, dont le but est de lutter contres les violences et les abus faits aux enfants, comme précisé dans les statuts.

« Théoriquement, la Société du sauvetage de l'enfance se proposerait d'étudier les moyens légaux propres à protéger efficacement les enfants contre les parents dénaturés et à les leur enlever définitivement lorsque ces parents auraient mérité ou subi une condamnation pour mauvais traitements, cruauté, exploitation systématique ou dépravation flagrante.

Pratiquement, la Société du sauvetage de l’enfance se donnerait pour tâche de surveiller les rues, d'explorer les garnis et les quartiers besogneux où la misère et la promiscuité engendrent les querelles, la haine et la démoralisation, et encore de stimuler le zèle de l'inspection administrative (Assistance publique, colonies pénitentiaires) pour prévenir des abus analogues à ceux qui ont été récemment découverts à Mettray et à Porquerolles. »

Les écoles maternelles : décrets, règlements et circulaires en vigueur, mis en ordre et commentés par Pauline Kergomard, 1905 - source : Gallica-BnF

Cette Société existe toujours aujourd’hui sous le nom de Sauvetage de l’enfance – ses buts sont inchangés.

Pauline Kergomard restera à la tête des écoles maternelles jusqu’en 1917. Elle mourra en 1925, laissant pour la postérité près d’une quinzaine d’ouvrages sur l’éducation des jeunes enfants et surtout, une structure éducative éminemment moderne, socle de l’apprentissage en France.

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