Écho de presse

Hélène Jégado, la serial killer à l'arsenic

le 17/02/2019 par Pierre Ancery
le 12/12/2016 par Pierre Ancery - modifié le 17/02/2019
L'empoisonneuse Hélène Jégado ; éd. Pellerin ; 1852 - Source Gallica BnF

Elle aurait attenté à la vie de 97 personnes, dont 60 ont succombé. Les crimes d'Hélène Jégado font d'elle la tueuse en série la plus meurtrière du XIXe siècle.

Qu'est-ce qui poussa Hélène Jégado, née en Bretagne en 1803, à commettre pendant dix-huit ans une série d'empoisonnements à l'arsenic, tuant indistinctement hommes, femmes et enfants ? Lorsqu'elle est enfin arrêtée, le 2 juillet 1851, personne ne le sait. Plus d'un siècle et demi après, les historiens non plus.

 

Sa culpabilité, pourtant, ne fait aucun doute. Le 19 décembre 1851, Le Journal des débats politiques et littéraires, dans un long article, revient sur la longue liste de crimes signés par l'empoisonneuse. Cuisinière de profession, celle-ci en profita pour garnir de poison les plats de ses victimes dans les différentes villes bretonnes où elle s'installa de 1833 à 1841.

 

"Chassée du presbytère de Seglien, par suite de son mauvais caractère et de ses habitudes d'intempérance, on la voit successivement méchante par plaisir au couvent d'Auray, immorale dans la même ville, hypocrite partout, affichant des sentiments religieux, de l'affection pour ses maîtres, qui, bientôt après son entrée chez eux, tombaient malades et mouraient en quelques heures. Dans la seconde période de sa vie, on retrouve chez elle les mêmes vices, les mêmes crimes, mais elle devient en outre voleuse."

 

À l'époque, le choléra fait rage, et comme les symptômes d'empoisonnement à l'arsenic sont très proches de ceux de la maladie, tout le monde n'y voit que du feu. Il faut attendre pour la voir démasquée la sagacité de son employeur du moment, l'avocat Théophile Bidard de la Noë, de Rennes, qui demande une autopsie après la mort plus que suspecte de ses deux gouvernantes successives et d'une de ses servantes.

Interrogée lors de son procès par le juge de la Cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, Hélène Jégado nie tout en bloc.

 

"D. N'êtes-vous pas allée ensuite au presbytère de Guern, et n'y a-t-il pas eu dans cette maison de nombreux décès ?
R. Le feu prit au lit de M. le recteur, et cela causa une telle émotion, que beaucoup de personnes moururent après.
D. Ces sept personnes sont mortes du 28 juin au 3 octobre, le père, la mère, un enfant, une femme qui mangeait à la cure, le curé lui-même, Françoise Duffray, enfin votre propre sœur
 ?
R. C'est vrai, ils sont morts en vomissant
 ; ma sœur n'a pas vomi beaucoup."

 

La justice ne retient que cinq meurtres, pour cause de prescription. Mais on estime aujourd'hui qu'Hélène Jégado a causé la mort d'une soixantaine de personnes en tout. Condamnée à mort, elle avoue ses crimes à un abbé qui vient la voir en prison. Elle est guillotinée à Rennes le 26 février 1852. La presse nationale, toute occupée par les suites politiques du coup d'État du 2 décembre, en parlera à peine.