La fin de Bonnie & Clyde : le couple maudit tué en 1934
Au mois de mai 1934, les amants criminels à la tête du gang Barrow tombent sous les balles des forces de l’ordre quelque part sur les routes de Louisiane. Mais là où s’achève leur périple sanglant commence leur légende.
L’histoire de Bonnie et Clyde est un mythe, une fable amoureuse sanguinaire qui continue d’émerveiller et de faire frissonner 90 ans après les faits. Les deux célèbres tourtereaux se rencontrent en janvier 1930, dans un Sud des États-Unis ravagé par la Grande Dépression. Lui est un révolté texan devenu gangster, elle une jeune mariée déçue. Quatre ans plus tard, à la suite d’une longue filature menée dans plusieurs États du Midwest et du Sud, les deux têtes pensantes du « gang Barrow » seront tuées par une escouade de policiers en embuscade en marge de leur planque près d’Arcadia, en Louisiane. Leur bilan est stupéfiant : 14 hommes froidement assassinés, braquages de banques, vols à main armée.
En mai 1934, la nouvelle de leur mort n’émeut pas les journalistes français. Ces derniers leur préfèrent la saga de John Dillinger, « l’ennemi public n° 1 », tué quelques mois plus tôt. En France, la mythologie Barrow mettra du temps à se propager ; à peine lit-on une allusion au couple maudit dans Le Matin au début du mois de mai, et une mention de leur odyssée dans Paris-Soir un an plus tard, en juin 1935.
C’est la presse américaine et le Chicago Tribune qui relatent la fin du parcours sanglant de Bonnie dite « Suicide Sal » et de Clyde le « Serpent à sonnette » du Texas en temps réel. Le 24 mai, la messe est dite : « Clyde Barrow est mort les armes à la main en Louisiane ». Amen.
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CLYDE BARROW EST MORT LES ARMES A LA MAIN EN LOUISIANE
Bonnie (Suicide Sal) Parker tire à vue avec le « Serpent à sonnette »
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(Câble spécial adressé au Tribune)
LA NOUVELLE-ORLEANS, 23 mai
La folle épopée de Clyde Barrow, le « Serpent à sonnette » du Texas et de sa complice la délurée Bonnie (« Suicide Sal ») Parker, les gangsters qui ont terrorisé le sud-ouest des Etats-Unis de leurs hold-ups assortis d’une dizaine de meurtres, vient d’atteindre sa sordide apogée dans un sous-bois de Louisiane, où tous deux avaient érigé leur planque ; c’est ici que les forces de police les ont abattus.
Ces deux « rats humains » comme on les surnomme dans le Sud-ouest, ont été pris en embuscade par un groupe de policiers en civil mené par un capitaine des Texas Rangers, tandis qu’ils revenaient en voiture vers leur très secret (et très armé) nid d’amour.
Les forces de police les surveillaient depuis déjà plusieurs semaines, se rapprochant peu à peu de la retraite des malfaiteurs. Aujourd’hui, ces derniers sont tombés dans le piège dûment tendu. Lorsqu’ils s’en sont aperçus, le Serpent a appuyé au plus vite sur le champignon tandis que Bonnie – jouant son rôle une toute dernière fois – s’est mise à faire feu sur les policiers, tentant d’assurer leur évasion.
Ils n’y avaient pas pensé
Le couple n’avait cependant pas anticipé le nombre de policiers déployés sur la route, et tandis que leur voiture atteignait les 130 km/heure, Bonnie continuant de tirer en direction de leurs poursuivants, les feux des mitraillettes ont stoppé net leurs ambitions. Deux tonneaux plus loin la voiture, fracassée, s’immobilisa. Barrow fut retrouvé mort sous le volant, le corps de Suicide Sal à ses côtés, inerte, la mitraillette toujours dans les mains. Les balles des forces de police les avaient tués sur le coup.
La voiture abritait leur arsenal habituel de mitraillettes, fusils, revolvers et autres munitions avec lesquels ils étaient si fiers de parader en photo, envoyant gaiement les tirages à leurs amis hors-la-loi. La pose préférée de Bonnie consistait à s’asseoir sur le tableau de mort entourée d’une pléiade d’armes à feu, revolver .42 au poing et cigare à la bouche.
Buck Barrow, le frère de Clyde, aimait ces photos lui aussi. Il a tué deux policiers au début de l’année tandis que le gang s’échappait d’un supermarché dévalisé dans le Missouri et fut mis hors d’état de nuire à la suite d’un échange de tirs avec la police au mois de juillet dernier à Dexter, dans l’Iowa.
Ce n’est que le mois dernier que Barrow et Bonnie – leur chasse à l’homme ayant commencé à la minute où prenait fin celle lancée contre John Dillinger – ont pu être appréhendés pour la première fois, réussissant à prendre la fuite à la force de leurs revolvers, tuant au passage un agent et prenant en otage un autre. Une semaine plus tôt, le gang Barrow-Bonnie avait assassiné de sang-froid deux policiers motocyclistes alors que ceux-ci ne les avaient même pas mis en joue.
Bonnie était sans doute la femme criminelle la plus recherchée d’Amérique et a d’ailleurs, à ce titre, été surnommée la « Dillinger féminine ». Il faut dire qu’elle était tout aussi malveillante et prompte au meurtre que Barrow – lui, petit, mince, visage juvénile, les cheveux bruns gominés, un sourire cynique aux lèvres. De son côté, elle était plutôt bien bâtie, rousse, presque jolie. Elle portait la raie au milieu et un béret sur le sommet du crâne.
Bonnie et Clyde ont laissé derrière eux une longue traînée de poudre, et étaient inculpés de crimes commis dans plusieurs États du Midwest : braquages de banques, hold-ups de stations essence, vols à main armée sur l’autoroute. Toutefois, ils n’avaient jamais été arrêtés jusqu’au 22 novembre dernier.
Venus voir Maman
Quand le shériff de Dallas R. A. Schmid a appris que Barrow allait rendre visite à sa mère, il a aussitôt tendu un piège au desperado. Les forces de police, disséminées entre Dallas et Forth Worth, ont ouvert le feu sur la voiture de Barrow dès qu’elles l’ont aperçue, mais les feux nourris du gangster et de Bonnie leur ont permis de se tirer d’affaire sans égratignure.
Toutefois le plus grand exploit de Barrow a peut-être eu lieu le 16 janvier dernier à la prison d’Eastham, à Houston. Les surveillants, le major Crawson, âgé de 24 ans, et son collègue Olan Bozman, 30 ans, étaient sur le qui-vive depuis 7 heures du matin, passant au peigne-fin les quelque 690 hectares de la ferme-prison et encadrant les 17 détenus sous leur coupe.
L’un de ces derniers, Raymond Hamilton, était ami avec Barrow – de même qu’il était autrefois le joli cœur de Suicide Sal. Tandis que le groupe de prisonniers s’approchait d’un fossé de drainage, un autre détenu, Joe Palmer, s’engouffra dans les broussailles, accompagné de deux autres prisonniers. Le trio revint parmi le groupe, armé, et fit feu sur les matons. C’est alors que Barrow et Bonnie firent leur apparition, s’extirpant du fossé, et ouvrirent à leur tour le feu à l’aide d’armes automatiques.
Cinq évasions
Le major Crawson est mort à la suite de cette embuscade, d’une balle tirée par Palmer. Son compagnon Bozman a été atteint d’une balle dans la hanche. Se sont échappés en compagnie de Barrow et sa complice les criminels Hamilton, condamné à un total de 263 années de prison ; Palmer, condamné à 25 ans ; Henry Methvin, condamné à dix ans pour voie de fait et tentative de meurtre ; W. H. Bybee, condamné à deux peines de perpétuité pour meurtres ; et J. B. French, condamné à 25 ans. Leur voiture a disparu dans la fumée de goudron, mitraillettes hurlantes. L’étrange triangle amoureux composé d’Hamilton, Barrow et Bonnie était à nouveau réuni, peut-être plus étrange encore du fait que Bonnie soit l’amante de deux assassins.
On considérait Barrow si dangereux qu’il était admis qu’il ne serait jamais capturé vivant. Il avait encore plus de sang sur les mains que Dillinger et sa bande ; Bonnie et lui, aficionados de whisky sec, étaient chaque jour prêts à en découdre. Au Texas, on avait même émis l’idée de doubler la récompense de celui ou celle qui réussirait à le tuer, sa mort étant considérée comme une bénédiction pour l’État – comme pour la nation toute entière. D’autres ont riposté en avançant que cela revenait à légaliser l’assassinat, et que donc, même dans le cas du Serpent à sonnette, on ne devait pas l’encourager.
Cet échange de points de vue a pris fin aujourd’hui.