Le Cri du Peuple, premier grand quotidien socialiste
Au moment où la république s'enracine, alors que reviennent les exilés de la Commune suite aux amnisties, il semblait urgent pour Vallès de faire à nouveau entendre dans la presse les idées socialistes. Le Cri du Peuple, publié seulement pendant les insurrections, se met à paraître à nouveau.
« Une résurrection »
Le 25 octobre 1883, soit trois jours avant la parution du premier numéro du Cri du Peuple, le journal conservateur Le Gaulois donne la parole à Jules Vallès qui annonce « la résurrection » du célèbre quotidien créé par Vallès au temps de la Commune de Paris.
À cette occasion Vallès lance un appel : « Quiconque aura dans la gorge un cri révolutionnaire pourra venir au journal ». Il entend y défendre « la politique du ventre vide, de la misère, contre les causes sociales de la faim ».
Un journal aux idées socialistes donc, mais qui s’intéresse aux faits divers, selon un ton qui lui est propre et qui « ne sera pas ennuyeux » grâce à « un rigolard » que Vallès cherche encore le 25 octobre. Le journal, comme tout quotidien populaire qui se respecte, publiera également des romans en feuilleton.
Vallès déclare fonder Le Cri du Peuple parce qu’il s’ennuie le soir et surtout parce qu’il a trouvé « une occasion, un ami, un capitaliste, un professeur de l’Académie de médecine… deux millions de fortune », Adrien Guébhard, le compagnon de Séverine, l’amie de Vallès – qui reprendra le journal en 1885, à sa mort.
La mort de Vallès
Le Matin du 15 février 1885 reprend les termes du Cri du Peuple pour annoncer la mort de son fondateur : « La Révolution vient de perdre un soldat, la Littérature un maître. Jules Vallès est mort. Le rédacteur en chef du Cri du Peuple s’est éteint hier à une heure trente-cinq de l’après-midi. Il était âgé de cinquante-trois ans ».
Selon le Gil Blas du 16 février 1885, « ses dernières paroles furent pour son journal Le Cri du Peuple : je laisse après moi un enfant, disait-il, et je vous le confie… ». Le journaliste revient sur sa carrière, sa fortune, ses relations avec Séverine. Il revient sur son caractère et le compare à Rochefort, « un grand journaliste » qu’il oppose à Vallès, « un grand littérateur ». Il reprend des éléments de la carrière de Vallès, son rôle dans la Commune et la première édition du journal en 1871.
Par ailleurs, Le Figaro du 15 février 1885 rappelle que Vallès dans ses jeunes années avait fait un court passage au Figaro. À son retour à Paris, une fois les communards amnistiés, « Vallès avait recommencé à faire du journalisme politique violent, mais les divers journaux qu’il avait successivement dirigés ou auxquels il collaborait persistaient à végéter, malgré son nom ».
Mais le journaliste du Figaro, que l’on ne peut soupçonner de favoritisme à l’égard de Vallès, reconnaît que « Le Cri du Peuple était arrivé dans ces derniers temps à un certain tirage ».
Le temps des difficultés
Une fois Vallès disparu, commence une guerre de succession à la tête du journal et qui oppose, entre autres, Guesde et Séverine. Elle parvient à s’imposer mais elle reste très contestée au sein du journal notamment parce qu’elle soutient le général Boulanger avec Georges de Labruyère, son compagnon et rédacteur au Cri du Peuple.
Devant la montée des tensions, Séverine fait le choix de démissionner en août 1888.
La Justice du 28 août 1888 reprend des passages du dernier article de Séverine dans Le Cri du Peuple. Elle déclare quitter le journal appauvrie, après « avoir tout donné » et « n’avoir rien reçu » si ce n’est « des poignées d’injures, des hottées d’ignobles calomnies », « parfois venues de voisins de combat ». Elle s’inquiète de l’avenir du socialisme qui « est en train de mourir », « car, en plus de leur antagonisme, ses chefs maintenant y introduisent la politique – on n’y débat plus les intérêts économiques d’un peuple, mais les intérêts électoraux de tels ou tels candidats ».
Séverine part donc, pour faire « l’école buissonnière de la Révolution » pour défendre les idées qui lui sont chères, seule sans autre responsabilité que la sienne.
Le journal ne survivra que peu de temps au départ de Séverine.
Le Matin du 6 février 1889 qui reprend la note parue dans Le Cri du Peuple, annonce que « la rédaction de l’Homme libre et du Cri du Peuple passe tout entière au journal de concentration socialiste que fait paraître M. Jules Roques sous le titre L'Égalité. L'Égalité se substitue donc en quelque sorte à l’Homme libre et au Cri du Peuple : elle donnera la suite de notre roman en cours de publication et assurera le service de nos abonnés ».