Mais une fois n’est pas coutume : que de pièces contemporaines le critique théâtral aura abordé, loué, éreinté pendant les années où il s’adonnera avec un plaisir évident à ce genre journalistique ! Il rend par exemple compte d’une pièce d’Armand Salacrou, Patchouli, « très mauvaise pièce, exaspérante parfois et toujours ennuyeuse », de L’Equipage de Joseph Kessel mis en scène par Georges Delance ; citons aussi Langrevin père et fils de Tristan Bernard, La Robe rouge d’Eugène Brieux, Cette vieille canaille de Fernand Nozière, Trop vrai pour être beau, de George Bernard Shaw mis en scène par Rodolphe Darzens, Intermezzo de Jean Giraudoux sur une musique de Francis Poulenc, Liberté provisoire de Michel Duran.
Aucune hiérarchie ne le guide dans ses choix, et il butine d’un auteur à l’autre, semblant très tôt rompu à ce genre journalistique, mêlant quand cela est nécessaire analyse de l’œuvre théâtrale, analyse de la mise en scène et verdicts sur le jeu des comédiens ; s’arrêtant d’autres fois plus spécifiquement sur celui-ci quand l’admiration charrie un flot de mots des plus laudatifs.
Ecrivant le 11 décembre 1931 sur la représentation de Fanny de Marcel Pagnol, il loue avec dithyrambe les comédiens, dont Harry Baur, « acteur puissant et hardi » ; dont Orane Demazis dans le rôle de Fanny, qui « a encore ajouté à son rôle qu’elle pare d'une humanité plus profonde. Accord intuitif d'une grande artiste au ton d'une œuvre qui, dégagée des intentions moralisatrices de son dénouement, atteint, à travers le sourire du dialogue, au plus beau et au plus pathétique théâtre ».
Le 8 mars 1935, il salue la pièce de Maurice Rostand, Le Procès d’Oscar Wilde, pourtant habituellement « enclin […] à des simplifications excessives […] » et qui « par une intuition de poète, nous a restitué avec une scrupuleuse sobriété le drame atroce vécu par son héros ». Les comédiens y sont encensés, et le même Harry Baur porté au pinacle de son art :
« M. Harry Baur campe un Oscar Wilde qui restera l'une des plus saisissantes compositions de sa glorieuse carrière. Ce très grand artiste atteint à une sûreté et à une économie de moyens presque miraculeuses.
Jouant en dedans, il arrive néanmoins à exprimer avec une intensité et une justesse poignantes les moindres nuances de son personnage. M. Harry Baur crée véritablement chacun de ses rôles. Il se transforme et se renouvelle sans cesse à l'encontre de tant de vedettes qui sont prisonnières de leur succès et esclaves de leur image. »