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Benjamin, 5 janvier 1933

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Benjamin
5 janvier 1933


Extrait du journal

Babylas. — Vous avez dit que M. Ca momille conduisait son automobile avec un air détaché ; qu'est-ce que c'est au juste?... Moi. — L'air détaché c'est une atti tude que prennent certaines personnes pour faire croire que rien ne les étonne, qu'elles connaissent tout. Babylas. — J'y suis, j'y suis ! Je croyais que c'était de l'air pour les pneus. Oh ! que je suis bête ! • Moi. — Oui !... non, non, je vous de mande pardon, Babylas, je voulais dire que justement les gens qui prennent l'air détaché ne disent jamais cette phrase charmante : « Ce que je suis bête ! » Babylas. — Je vois très bien... Ecou tez, l'autre jour, chez ma tante, vous savez, ma tante Antoine... Moi. — Votre tante Antoine ? Babylas. — Elle s'appelle comme cela parce que quand elle est née, ses parents attendaient un garçon et n'a vaient pensé à aucun nom de fille ; eh ! bien, chez ma tante Antoine, il y avait un arbre de Noël, un magnifique arbre de Noël, et on a allumé des espèces de bougies qui faisaient de belles étincelles comme un feu dàrtiflce, c'était superbe, et tout le monde battait des mains, eh ! bien, mon cousin, qui a treize ans, vous savez, mon cousin Suzanne ? on l'appelle comme ça, parce... Moi. — Oui, oui, je comprends, en suite ? Babylas. — Eh ! bien, mon cousin Suzanne, il restait dans un coin sans regarder l'arbre, il feuilletait un livre, bien que tout fût éteint ; je lui ai dit : « Crois-tu que c'est beau ! » et il m'a répondu : « Peuh ! Ce sont des petits feux de Bengale à base de magné sium ».. Le pis, c'est qu'à partir du moment où il m'a expliqué cela, je ne me suis plus amusé du tout, moi non plus. Moi. — C'est là le grand avantage de l'air détaché : ceux qui le prennent ne se divertissent plus nulle part, ne s'in téressent plus à rien. Ce n'est d'abord qu'un air qu'on prend, puis il s'em pare de toute votre personne et on devient un blasé. On est odieux, non seulement aux autres, mais à soi-mê me aussi, on n'a plus aucun plaisir. Babylas. — Evidemment ! Moi, je n'en ai pas de plus grand que de voir quelque chose, de nouveau, quelque chose de beau, d'intéressant, d'être épaté enfin !... Moi. — Alors, vous imaginez l'ennui, la torture de ceux qui ont adopté pour principe de ne jamais rien trouver de beau, de nouveau, ni d'intéressant ! Babylas, songeur.—- M. Lebrun, c'est un homme bien, n'est-ce pas ? > Moi. — Le président de la Républi que ?, Oh ! Babylas ! Babylas. — Oui, eh ! bien, il voit beaucoup de choses, il inaugure. tout, des usines, dés expositions, des statues, des bonnes œuvres ; avez-vous remar qué qu'il n'a jamais l'air détaché ? Moi. •— Il a bien raison. Mes chers benjamins, à bas l'air détaché! Jacques CHRISTIAND....
Benjamin (1929-1944)

À propos

Benjamin est un hebdomadaire publié à l’intention de la jeunesse. Fondé en 1929 sur l'initiative de l'éditeur Jeorges Lang avec Jean Nohain, dit Jaboune, il est l’un des principaux journaux pour enfants de l’entre-deux-guerres. Visant explicitement la progéniture de l’élite sociale française, son contenu est illustré, mais contient très peu de bandes dessinées, à l’inverse des autres publications pour les jeunes. Ses pages contiennent plutôt des reportages et des récits.

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