Extrait du journal

— Ce soir, je tombe de sommeil... ce que vous savez. Je sais en ef fet de quoi il s'agit. Il s'agit des surprises que nous ferons les uns et les autres à Gérard pour le jour de l'an. Comme nous voulons que ce soient de vraies surprises, nous nous arrangeons pour qu'il ne se doute de rien ; mais comme nous voulons aussi que ces surprises soient de son goût, nous le tâtons au prêaïabfë adroitement : il est toujours plus adroit que nous et il se doute de quelque chose. Tout cela est horriblement com pliqué. Mon filleul sait aussi bien que son parrain de quoi il retourne, et que le soir de ce fameux dîner, sitôt sorties de table, les grandes personnes se formeront, comme on dit, en comité secret. Pour ne pas retarder une délibération qui l'intéresse au plus haut point, il fait semblant de dormir debout et il demande poliment la per mission de se retirer dans sa chambre. — Parrain, me dit-il en m'em brassant, je ne sais pas ce que j'ai... •!— Tu ne te sens pas bien ? — Si, mais moi qui ordinaire ment ne peux pas5 me décider à me coucher quand vous êtes là, ce soir je tombe de sommeil. — Tu m'inquiètes. Il faudrait peut-être prendre ta tempéra ture ? •— Oh ! parrain, vous êtes bête, me dit-il à l'oreille. Je frémis. Pourvu que mon sieur son père et madame sa mère n'aient pas entendu !... Ils n'ont pas entendu, tout va bien. Pour l'acquit de ma conscience, je fais à Gérard un signe qui veut dire que je suis très fâché. Il me fait un signe qui veut dire qu'il n'en croit rien, et il se sauve en riant. — Eh bien, dis-je, maintenant qu'il nous a débarrassés de sa présence, nous allons pouvoir causer sérieusement. Quelle est la surprise qu'il désire que je lui fasse pour ses étrennes ? Je vous avertis qu'étant fermement ré solu, sous prétexte de la crise, à me dispenser de toutes autres obligations, je me trouve en me sure de lui faire un cadeau royal. Les jouets d'ailleurs ne sont pas hors de prix cette année... — Il ne veut plus entendre Parler de jouets, soupira la inaman. — Il s'est pris subitement de passion pour la lecture, fit le Papa. — On dirait que vous vous en plaignez ? — Pas précisément... Mais comme c'est commode de trou ver des livres pour un gamin qui n'a pas quatorze ans ! Sait-il seu lement ce qu'il aime ? -— Il ne le sait peut-être pas très bien ; mais sûrement vous le savez encore moins bien que lui. Le plus simple est donc de s'adresser à lui directement et fie lui demander son goût....