Extrait du journal

Contrairement à ce que la plupart des gens s’imaginent aujourd’hui, nous étions bien moins loin, au plein de l’autre guerre, de l’avènement de l’Europe comme nation que nous ne le fûmes quelques années plus tard. En 15 ou 16, la guerre qui avait éclaté en 14 pouvait apparaître comme une monstrueuse erreur de développement. Une civilisation homogène, héritière d’une longue histoire où les isolements et les conflits avaient moins compté que les échanges, déjà très avancée dans le travail de son unification, munie de plusieurs des organes d'une vie commune, sacrifiant à des idées et à des valeurs très semblables, venait de se jeter dans les fureurs d’une guerre intestine et fratricide. Mais il n'était pas absurde de penser que si elle réchappait à ce péril mortel, le choc subi, en la délivrant de certaines inhibitions et de certaines séquelles du passé, précipiterait l'évolution interrompue ; que les peuples d’Europe, réveillés de leur délire, s’apercevraient qu’ils étaient au fond un même peuple, lié plutôt que divisé par les habitudes, les intérêts, les sentiments....