Extrait du journal

Le Pousset où les coloniaux de passage à Paris venaient retrouver, avec leur apéritif, les potins de Sanghaï ou de Dakar, tout ce qui meublait le vide des vacances, tout ce qui leur faisait oublier l'affreuse solitude au milieu des indigènes de la capitale, le théâtre Robert-Boudin où les lapons naissaient dans les chapeaux qui avaient vu mourir leurs frères, les pigeons dans les carafes et, partout, Jes pièces de cinq francs; le Théâtre Moderne où d'anciennes jeunes femmes essayaient de réveiller dans le cœur d'authentiques vieux messieurs d'impossibles désirs, et le restaurant italien qui retentissait de syllabes chantantes, et Jes libraires qui étalaient sur le trottoir leurs éventaires lourds de toute la pensée contemporaine, et le coiffeur attaché aux traditions qui rasait encore comme à l'époque de Figaro, un pouce dans la bouche, et le cireur, le tailleur, le chemisier, tout cela tombe peu à peu pour faire place au boulevard Haussmann....