Extrait du journal

on y passe... on y passe... Ce pont de Kehl, â la porte de Strasbourg, sur le Rhin, était comme le symbole de la frontière irritée entre la France et le Reich. pendant la drôle de guerre, il était désert, no man’s land plein de suffisance, et les deux adversaires veillaient à chaque bout, derrière des sacs de sable. Démoli pendant la bataille, rafistolé, il est aujourd’hui la veine ouverte par où l’armée française coule en Allemagne. On passe à la queue-leu-leu dans un défilé ininterrompu de camions, de jeeps, de voitures de liaison. Une poussière ocre s’élève de la route défoncée. Des permissionnaires, leur gros sac de marins sur une épaule, guettent un véhicule de leur unité. Instinctivement les visages s’épanouissent à la vue de ce Rhin désormais dérisoire. Il tient, parbleu, dans nos quarts, dans nos bidons ! Dans ce joyeux tumulte, on a l’impression, non pas d’entrer en Allemagne, mais de continuer à l’envahir. »...